dimanche 12 décembre 2010

Juste un détail

http://blogardy.over-blog.com
L'hôtel de la préfecture de Metz va bientôt accueillir un nouvel occupant. Il y a une quinzaine de jours, le gouvernement a décidé de rappeler l'actuel titulaire du poste, Bernard Niquet, à Paris, où il siègera au Conseil d'Etat.

Cette information ne devrait pas faire exploser la fréquentation de ce blogue. Mais, pervers comme je le suis, pourrais-je résister à la tentation de souligner une fois de plus le cynisme des communicants de l'Etat? Car prenez connaissance de ceci: pour rédiger la petite notice de tradition dans le journal local lors du départ d'un prestigieux fonctionnaire, le journaliste a ressorti des archives le dossier d'icelui. Et, pour retrouver quelque date de naissance imprécise, il a aussi consulté Wikipédia, sans oublier un coup d'œil sur l'historique de la page. En ce qui concerne notre histoire, on voit que la page en cours de Wikipédia consacrée à Bernard Niquet a été amputée, le 20 juillet dernier, d'un paragraphe qui avait été inséré deux mois plus tôt par un nommé «Cashflo»:


«Affaire Vrenezi 
M. Niquet et la préfecture de Moselle furent au centre d'une affaire polémique suite à l'expulsion "musclée" d'un adolescent polyhandicapé kosovar (et de sa famille) le 4 mai 2010. Celui-ci était en situation irrégulière en France au moment des faits. L'expulsion a suscité notamment l'indignation de l'Association des Paralysés de France (APF).»

Et l'auteure de la «correction» (censure?) n'hésite pas à la justifier de la façon suivante: «Il n'est pas possible de résumer la carrière de 36 années d'un haut-fonctionnaire en une affaire de reconduite à la frontière.»

C'est très juste. D'ailleurs, la bio officielle de Chirac ne parlera certainement pas de quelque petite affaire d'emplois fictifs, pas plus que celle de Mitterrand ne saurait s'encombrer d'une petite affaire de dîners avec Bousquet. Soyons corrects!

Quant à Ardi Vrenezi, le jeune handicapé qui s'affaiblit aujourd'hui au Kosovo, on ne va pas en faire toute une affaire. Si?

Les enfants, c'est bien du souci

Ainsi donc, les soucieux socialistes et les éditorialistes viennent de s'apercevoir que Marine Le Pen est la fille de son père, et que les chiens ne font pas des chats. Il n'est jamais trop tard... J'espère maintenant qu'on ne va pas découvrir dans six mois que Martine Aubry est la fille de Jacques Delors!

dimanche 5 décembre 2010

Balzac et les journalistes

J'entends déjà le ricanement d'un éphèbe confrère sur qui les ans n'ont pas de prise (les initiés s'y retrouveront; pour les autres, c'est sans importance). Mais non, ma carrière n'a pas débuté au XIXe siècle! Il n'empêche: je recommande la lecture de cet ouvrage de Balzac, qu'on peut encore trouver au moins d'occasion. On y savoure la description d'un marigot qui n'est plus tout-à-fait d'actualité – encore que... Comme dans La Comédie humaine, Balzac traque les travers psychologiques qui survivent aux événements, et finalement, la France de Sarko n'est pas si loin de celle de la Monarchie de Juillet.

Juste un extrait, (presque) au hasard:
«Il n’y a eu (il est mort) qu’un seul directeur de journal, dans la véritable acception de ce mot. Cet homme était savant, il avait une forte tête, il avait de l’esprit; aussi n'écrivait-il jamais rien.»
Et caetera...

jeudi 25 novembre 2010

Lucidité

Pour une fois, ce n'est pas moi qui le dis! Diffusée par JB Presse, un groupe local de com', la Lettre de Tic & +  de novembre 2010 publie cette décapante brève :
«Début d’une synergie
Alors que le Crédit Mutuel, qui détient le Républicain Lorrain, officialisait le rachat des parts de Gérard Lignac dans l’Est Républicain, deux journalistes des deux quotidiens régionaux ennemis d’hier signaient une page commune dans le Républicain Lorrain, l’Est Républicain et Vosges Matin du 16 novembre. Les deux confrères, Hervé Boggio (RL) et Philippe Rivet (ER), ont participé à la rédaction d’une page Spéciale universités lorraines. Si le thème traité se prête bien à une convergence de moyens entre les deux rédactions, cette page commune annonce clairement la couleur en matière de traitement de l’information dans un proche avenir. Hasard ou coïncidence, la page était accompagnée d’une publicité pour le Crédit Mutuel.»
Eh bien! «JB» ne nous avait pas habitués à autant d'impertinence...

samedi 20 novembre 2010

Confetti et masochisme

Aujourd'hui, petits veinards, vous aurez droit à une séquence self-people. Dont l'objet est aussi de démythifier un bon coup l'image que vous vous faites, évidemment, du journaliste, grand reporter et baroudeur de l'univers.
Figurez-vous que je viens de jeter un coup d'œil dans le tiroir de ma table de chevet. Vu le foutoir que j'ai découvert, ça devait faire longtemps que ça n'était pas arrivé. Un vrai schoutt, en mosellan dans le texte. 

Et sous les vieux stylos sans encre, les photos oubliées et les marque-pages improvisés, j'ai retrouvé... un tas de petits bouts de papiers, de notes hâtivement griffonnées lors des multiples permanences de nuit qu'impose le service désintéressé du localier que je fus jusqu'à il n'y pas si longtemps.
La permanence de nuit, c'est: un téléphone portable à portée de main, avec un crayon, du papier, au cas où. Et quand le téléphone sonne – pompiers, correspondant... –, ça donne d'abord une bonne décharge d'adrénaline, un grognement de la malheureuse qui a accepté de partager la vie du localier, et ces gribouillis:
«SP Metz
Woippy
Rue P. et M. Curie
3h34»
 
«23h20 - Autoroute VL seul
Freyming * A4
Stbg -> Paris
VL FEU
échangeur Saint-Avold
2 blessés légers
»
«4h20
Feu parking souterrain
Hôtel Ibis Pontiffroy
+sieurs voitures
-évacué 1 immeuble»
A chaque fois, normalement, le coup de fil lance toute une mécanique. Appel vers d'autres pompiers, à la gendarmerie, pour savoir si la chose est sérieuse. Appel au collègue photographe qui, lui aussi, dort d'un œil, et au secrétaire de rédaction si le journal n'est pas encore bouclé. Et quand il le faut, extraction complète du lit, bisou à qui vous savez, «Ne t'inquiète pas, ce n'est pas loin, je reviens très vite...», rhabillage à la va-vite, et ballade plus ou moins enjouée dans la nuit. Puis, s'il est encore temps pour attraper l'édition du lendemain, une alternative: retourner vers l'ordinateur pour taper ce qu'il faut de texte; ou communiquer à Christine, François, Jean-Luc ou quelque autre vaillant veilleur de la rédaction les éléments nécessaires à l'entrefilet. Et retour vers la douceur des draps; mais en général, la nuit est fichue. (Merci, au passage, aux inventeurs du téléphone portable et de l'internet. On a connu des temps plus difficiles.)

Pourquoi tout ça? C'est le fait divers, la meilleure école du plaisir masochiste de l'actualité. Que le début d'incendie de la fin de soirée, l'accident de la route, la mort suspecte soient au petit déjeuner des lecteurs. Et puis, à chaque fois, même si on ne le dit pas, on espère un peu qu'on va tomber sur la catastrophe du siècle, celle qui fera la Une pendant au moins... trois jours. Oui, c'est absurde, et je l'avoue, après vingt ou vingt-cinq ans de cet exercice, on apprécie de passer à autre chose. Mais cette excitation qu'on a tant de fois ressentie malgré la fatigue, malgré l'envie de rester au pieu, malgré tout, cette excitation inexplicable et un rien perverse, ça restera toujours le moteur de ce métier.


Je n'en suis plus et nous sommes au moins deux à en être très satisfaits.  Je prendrai bien garde à ne pas me mêler aux technocrates qui, ayant tout oublié du calepin depuis qu'ils réfléchissent dans des bureaux, sont capables d'expliquer doctement aux localiers ce qu'ils doivent faire pour éviter les ratages. Alors, que cette chronique soit juste un amical clin d'œil à la dizaine de collègues qui, chaque nuit, dorment avec le téléphone à portée de main.

mardi 16 novembre 2010

Marche nuptiale

Ce mardi 16 novembre, l'AFP a publié les bans de la presse lorraine:
«Le Crédit Mutuel va prendre le contrôle du groupe Est Républicain

NANCY. — La banque Crédit Mutuel (CM) va prendre le contrôle du groupe Est Républicain (ER) en rachetant les 42% de parts détenues par Gérard Lignac et devenir le premier groupe de presse quotidienne régionale français, a-t-on appris mardi de sources concordantes.

"M. Lignac a annoncé mardi lors d'un comité de direction de L'Est Républicain qu'il allait céder ses actions au Crédit Mutuel", a indiqué à l'AFP un journaliste sous couvert de l'anonymat.

Cette annonce sera officialisée le 25 novembre lors d'un conseil d'administration au siège de l'Est Républicain, à Houdemont (Meurthe-et-Moselle), ont précisé à l'AFP des sources syndicales, confirmant une information de la lettre spécialisée dans les médias Presse-news.

(...) Le CM détiendra alors 90% des actions du groupe ER, et sera majoritaire en voix au conseil d'administration. Il possédait jusqu'ici déjà 48% de ER après le rachat des actions du groupe Hersant Media (GHM) fin octobre.

Des petits porteurs se partagent les 10% restants.

Le Crédit Mutuel, banque fédérative de l'Est de la France, est déjà propriétaire des quotidiens le Progrès, le Dauphiné Libéré, le Bien Public et le Journal de Saône-et-Loire, qui forment le groupe EBRA (Est Bourgogne-Rhône-Alpes). La banque possède également 80% du journal L'Alsace (Mulhouse) et 100% du Républicain Lorrain (Metz).

Pour sa part, le groupe ER détient les quotidiens l'Est Républicain, les Dernières nouvelles d'Alsace, Vosges Matin et le Journal de la Haute-Marne.

Réunis, les dix quotidiens ont une diffusion payée de près d'1,2 million d'exemplaires, selon les derniers chiffres de l'OJD.»
Le hasard fait parfois mal les choses. Le même jour, on  a trouvé dans les quotidiens lorrains une page de promotion pour le PRES, le Pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur de l'Université de Lorraine. Une belle page, ma foi, composée d'articles rédigés et signés en toute indépendance, cela va de soi par deux journalistes, l'un de la rédaction de L'Est Républicain, l'autre de celle du Républicain Lorrain. Le tout accompagné d'une jolie pub pour... le Crédit mutuel. Un joli pied de nez adressé à tous les naïfs qui croyaient encore aux promesses des directions des journaux, selon lesquelles l'arrivée d'un actionnaire commun ne changerait rien aux lignes éditoriales des titres concernés. Au moins, désormais, les  choses sont claires!

vendredi 5 novembre 2010

Tous ensemble, c'est au poil !

Donc, ce samedi 6 novembre, huitième journée de manifs contre l'allongement du temps de travail. Si j'en juge par ce qu'on dit du côté de la CFDT, ça risque d'être la dernière, en attendant «d'autres formes de lutte» (ah, le charme du jargon syndical!). Tout de même, notre cher Ch'rèque devrait faire attention: les semaines qui viennent de s'écouler ont révélé un bel élan dans le pays, qu'il serait tragique de casser. Depuis combien de temps n'avait-on vu défiler paisiblement mais avec détermination, dans les rues, des Français aussi divers et unis? Ici – le 28 octobre à Metz –, ce sont trois générations qui prennent l'air, avec du poil au menton, du poil sur le caillou ou pas de poils du tout. Continuons!

vendredi 15 octobre 2010

Manif, etc.

Samedi 2 octobre...
 Manif pour sauver la retraite pour tous, manif surtout pour que la droite perde son arrogance et son mépris. Toujours autant de monde dans les rues, la semaine dernière, mardi dernier, demain (samedi 16 octobre), mardi prochain... Il va vraiment falloir se creuser les méninges pour trouver des slogans nouveaux et efficaces!

...et mardi 12 octobre.


vendredi 8 octobre 2010

Quand Villepin donne l'exemple aux socialistes

Dans son édition du 26 septembre dernier, Le Monde a publié cette brève:
«Cinq députés villepinistes, parmi lesquels François Goulard (UMP, Morbihan), ont annoncé le dépôt d'une proposition de loi visant à empêcher Serge Dassault, propriétaire du Figaro, d'acheter Le Parisien. Ils souhaitent modifier la loi anticoncentration de 1986, qui interdit à un groupe de posséder plus de 30 % de la diffusion de la presse quotidienne, afin qu'elle prenne en compte le cas des journaux qui sont à la fois régionaux et nationaux, comme Le Parisien-Aujourd'hui en France

Gesticulations à droite? Peut-être. Il n'empêche: ça serait croquignolesque de devoir dire merci à la droite, merci de faire ce que le PS se refuse à aborder!

Les deux ou trois habitués de ce blog n'ont, je suppose, pas besoin qu'on leur rappelle le silencieux big bang qui est en train de métamorphoser la presse française. Un groupe bancaire, d'inspiration mutualiste – mais que reste-t-il aujourd'hui de cette inspiration? –, a acquis ou va acquérir le capital de la totalité des entreprises de presse d'un territoire qui regroupe les régions Rhône-Alpes, Bourgogne, Franche-Comté, Alsace et Lorraine. Le groupe ainsi constitué, avec ses journaux, ses sites web, ses télés, sera plus important encore que le groupe Ouest-France.

Les banquiers, qui n'ont jamais justifié leur offensive sur la presse qu'au moyen d'arguments dérisoires (il s'agit, disent-il sans rire, d'éviter que ces titres ne se retrouvent entre des mains étrangères!), ont déjà largement introduit dans la gestion de ces journaux leurs propres méthodes de «management», en rappelant à longueur de réunions des comités d'entreprise qu'ils n'y voient que «des entreprises comme les autres». Sur le socle d'outils informatiques hypercentralisés, ils regroupent les moyens de production. Et déjà, ils commencent à mettre en commun le travail des différentes rédactions.

Concrètement, qu'est-ce que cela signifie? Tout simplement, que d'ici à l'élection présidentielle de 2012, on risque de voir la politique éditoriale de l'ensemble de ces titres tellement mutualisée que les lecteurs de Grenoble et ceux de Strasbourg se verront proposer les mêmes éditoriaux, les mêmes grands reportages, les mêmes interviewes politiques... Et, s'il faut enfoncer le clou, rappelons que le nouveau président du groupe bancaire en question est considéré comme, sinon un proche, du moins un sympathisant affirmé du président Sarkozy.

Mise à part l'Alsace, toutes les régions concernées par cette offensive de la pensée unique sont dirigées par la gauche. On pourrait donc s'attendre à ce que les grands élus rhodaniens, bourguignons, lorrains, etc., montent sur leurs grands chevaux et, reprenant la bonne idée que les villepinistes viennent de sortir pour la presse parisienne, réclament qu'on mette le holà à cette concentration sans précédent de la presse régionale.

Eh bien, non! Un seul sénateur socialiste, pour l'instant, est monté au créneau. Il s'agit de David Assouline, élu à Paris, et non comme on aurait pu l'espérer d'un sénateur ou d'un député des territoires concernés. Et ce brave sénateur de Paris n'a obtenu aucune réponse du ministre de la Communication, Frédéric Mitterrand, qui ne lui a parlé que du journal Le Monde.

Pourquoi ce lourd silence des élus régionaux? On n'ose croire qu'il se sont déjà soumis au lobby bancaire, au nom de l'intérêt supérieur des assemblées qu'ils président. En clair, ces maires, ces députés, ces sénateurs qui se disent de gauche crèveraient de trouille à l'idée que les journaux régionaux ne les snobent encore plus, tout en se voyant privés d'un certain nombre de crédits. On n'ose le croire, et pourtant... Quelle autre explication?

mardi 5 octobre 2010

Huelga general

Il était bien sympa, le défilé de samedi matin, même si nous étions moins nombreux que je l'espérais. On y a retrouvé plein de gens qu'on ne voit pas trop d'habitude dans les manifs; ça tournait en somme au grand couarail... Une formule à creuser, peut-être? Et on pourrait s'inspirer de la grève à la mode madrilène, telle qu'elle vous est contée par une jeune et talentueuse Messine dans ce blog. Chiche?

dimanche 26 septembre 2010

«Si La Presse n'existait pas...»

En cherchant tout autre chose, je viens de tomber sur le clip ci-dessous, publié à la fin de l'année dernière quand le quotidien québécois La Presse se portait mal. D'accord, Joe Dassin, c'est un peu ringard. Mais enfin, je trouve ça drôle quand même, et pas vraiment stupide.

jeudi 16 septembre 2010

Sans importance

On appelle ça un anagramme. Si l'on mélange les lettres du nom Morano, on obtient: Romano. Et alors? Alors, rien.

mardi 7 septembre 2010

«Entre 500 et 10 000 manifestants...»


Des milliers de parapluies ont défilé cet aprés-midi à Metz, abritant deux à trois fois plus de manifestants qui ne voulaient pas entendre parler de la retraite à 62-67 ans. Quelque chose me dit qu'il faudra encore descendre dans la rue d'ici à la fin de l'année. Mais en attendant, qu'il me soit permis de faire une observation d'ordre professionnel.

Pourquoi ne sait-on jamais quelle est la fréquentation exacte des manifs? Les journalistes rapportent d'une part l'estimation de la police, souvent après validation par la préfecture, et d'autre part celle des syndicats. Ce qui nous donne des écarts du simple au double, voire du simple au triple.

C'est ridicule. Et je pense que les journalistes, dans cet exercice, ne font pas leur boulot. Il revient au journaliste, en dernier ressort, de dire: «La vérité était plus proche de l'estimation de la police» ou, au contraire, «La vérité était plus proche de l'estimation des syndicats». Parce que le journaliste est sur place, et qu'il doit être capable de se faire une opinion sans parti-pris ni visée stratégique.

Faire ce travail de témoin est possible. Il suffit de le vouloir, donc de ne pas céder à la tentation de Salomon. Et aussi, bien sûr, de s'en donner les moyens: sur une grosse manif, il faut être plusieurs – et c'est encore mieux lorsqu'on fait équipe avec un confrère/une consœur d'une autre rédaction –, mettre au point une petite technique simple de comptage... et être prêt à ignorer la pointe d'agacement qu'on rencontrera le lendemain chez les interlocuteurs, policiers ou syndicalistes. Au final, on y gagne du respect, et on a fait son travail pour le lecteur.

Soyons positifs, manifestons pour la retraite à 80 piges


L'AFP nous a appris hier que le président d'une grande banque française, âgé de 69 ans, a annoncé sa démission. Il souhaite que son poste soit repris par l'actuel directeur général de l'entreprise, qui accuse, lui, 71 printemps, et dont un site italien nous rappelle qu'il aurait dû être en retraite à la fin de 2011.

Voilà une excellente nouvelle. A la veille de la grande manif contre la retraite à 62 ans, ce septuagénaire donne l'exemple de ce qu'il faut faire pour redynamiser le pays: place aux vieux! Et puis, cela va donner un coup de fouet aux entreprises contrôlées par cette banque, où sévissait ces derniers temps un inquiétant jeunisme.

La gérontocratie, voilà l'avenir! Du coup, je n'ai plus envie d'aller dans la rue cet après-midi. J'aurais l'impression d'être ringard...

samedi 4 septembre 2010

Jules Roy, Vézelay, Bichelberger, etc.

Voilà, tout le monde ou presque est rentré de vacances; on va donc bientôt pouvoir reprendre les sujets qui fâchent. En attendant, puisqu'il fait beau aujourd'hui et que nous avons encore l'esprit léger, un dernier petit souvenir d'été... Un été qui nous a conduits jusqu'à Vezelay, au cœur de la Bourgogne. Vézelay, sa basilique, ses moines et moniales dont le chœur vous emmène très haut par-delà les vignes, et ses maisons d'écrivains.

Celle que nous avons visitée, c'est la demeure de Jules Roy. On y a conservé intact son bureau. A sa gauche, Jules Roy avait fait disposer un présentoir réunissant, à portée de main, les douze ou quinze volumes, je ne sais plus, du Grand Larousse. Belle leçon d'humilité dont devraient s'inspirer tous ceux qui prétendent plus ou moins écrire...

Et puis, les conservateurs ont laissé à la disposition des visiteurs un recueil d'articles de presse consacrés au maître des lieux. Là, une surprise: le registre est ouvert juste sur la copie d'un papier extrait du journal qui me fait l'honneur de m'employer, et signé par l'excellent Roger Bichelberger - dont j'ai injustement médit dans un précédent billet,  ce dont je me repends.

Ceci n'est qu'une anecdote, mais elle maintient ma bonne humeur!

A part cela, nous sommes allés cet après-midi à la manif de la Ligue des Droits de l'Homme pour dire à Sarkozy et Hortefeux qu'il est temps d'arrêter de jouer avec le feu. Il y avait là Monsieur le Maire, une flopée d'élus (de gauche et même du centre droit, si je puis ainsi désigner le Modem) et un tas de braves gens, au bon sens du terme. Nous nous sommes donné rendez-vous pour mardi, à la grande manif contre la retraite à 62 ans (14h30, place de la Gare à Metz, entre autres). Vous viendrez, bien sûr?

mercredi 4 août 2010

C'est la rentrée, virgule


Je lis ce matin, dans un journal distribué en Lorraine, cette phrase, à propos de la nomination de la nouvelle préfète de la Meuse:
Le conseil des ministres a nommé, hier à Bar-le-Duc, Colette Desprez.
De bonne source, je tiens que la phrase originale écrite par l'auteur de l'article était:
Le conseil des ministres a nommé hier à Bar-le-Duc Colette Desprez.
Vous avez repéré la différence? Deux toutes petites virgules. Toutes petites, mais leur insertion dans la phrase par le secrétaire de rédaction en modifie immédiatement le sens. Ces deux virgules font comprendre que le conseil des ministres s'est réuni hier à Bar-le-Duc... et, du coup, on ne sait plus rien sur la destinée de Colette Desprez.

D'où viennent-elles, ces deux petites virgules? Sans doute du fait qu'on ne supporte plus la moindre longueur. S'il faut, pour comprendre une phrase, consentir un minime effort pour en suivre le cours, alors on préfère la hacher, la tailler, la détailler, jusqu'au contresens.

Voilà, c'est la rentrée!
Le nègre, c'est Poivre

Je vous avais promis pour la rentrée de vous rappeler qui fut le «nègre» de Jean-Marie Rausch pour la rédaction de son bouquin, Le Laminoir et la puce. C'était Olivier Poivre d'Arvor. Vous êtes déçus? Vous pensiez à quelqu'un d'autre?

samedi 24 juillet 2010

Repos !

Port-des-Barques, estuaire de la Charente, à l'heure du coucher de soleil...
Calme, le couarail. Pour cause de vacances!

Et pour passer le temps, notre grand jeu-concours de l'été. Saurez-vous répondre à la question: qui est le «nègre» qui a aidé Jean-Marie Rausch à rédiger l'ouvrage évoqué dans la chronique précédente, Le Laminoir et la puce ?


La réponse plus tard, quand on reprendra le boulot...

lundi 5 juillet 2010

Rausch visionnaire !

Ainsi donc, le conseil général de la Moselle vient de créer sa chaîne de télévision, TV Mirabelle (cf. mon billet du 28 avril). Avec le concours financier du quotidien local et de son actionnaire, le Crédit Mutuel. Et ceci me remémore un passage du livre écrit en 1987 (avec le concours d'un nègre) par Jean-Marie Rausch, alors maire de droite de la ville de Metz.

D'habitude, je ne partage pas trop ses points de vue, mais là, je ne peux m'empêcher de le ressortir. Franchement, ça en vaut la peine! Voici la position de J.-M.R. il y a vingt-trois ans:
« Un certain nombre de maires veulent aller encore plus loin que moi et créer très vite leur propre télévision locale. Je suis beaucoup plus circonspect, voire plus libéral, c'est-à-dire hostile par principe à l'emprise croissante de l'Administration sur les activités économiques et industrielles, hostile à l'idée que l'on engage de l'argent public dans de telles opérations. En matière de télévision, il ne faut pas substituer à trop d'État plus de collectivités. Moralement, nous n'avons pas le droit de financer des chaînes locales de télévision avec l'argent du contribuable. Or, pour s'imposer face à une concurrence extrêmement forte, elles devront avoir un niveau de qualité qui coûtera très cher. A part Paris et peut-être l'agglomération lyonnaise, je ne vois pas de villes capables de s'investir dans la production de programmes locaux. On sait bien qu'il n'y aura pas d'argent pour tout le monde et que la seule alternative à la fiscalité réside dans les recettes publicitaires, ce qui par contrecoup mettrait en danger la presse régionale qui a fait la preuve de sa qualité, de son objectivité, de son pluralisme ... Le problème financier est aigu. Paiement d'un droit de raccordement plus un abonnement ou paiement à la consommation ou encore publicité, avec la faiblesse des marchés locaux qui sont connus? 
Cette « télévision M. le Maire» je la désavoue, parce que ce n'est pas le métier d'un gestionnaire de ville que de produire - à grands frais - des images. C'est aux industries du privé qu'il appartient principalement de faire les télévisions locales (…). Remplacer le bulletin de la mairie et l'ancien tambour par une telle télévision locale qui nécessite un studio hyper équipé, une communauté de journalistes et de techniciens permanente me semble être une folie: qui regardera d'ailleurs cette télévision? »
Etonnant, non?

samedi 19 juin 2010

Bigeard et Masseret, des «maux nécessaires»


Marcel Bigeard, ce «grand Lorrain» qui est mort hier à Toul, ne regrettait pas que les soldats de la France eussent eu recours à la torture durant la guerre d'Algérie. C'était, écrivit-il, «un mal nécessaire».

Tout homme de gauche ne peut qu'être révulsé au simple énoncé d'une telle horreur, sans qu'il soit besoin de la moindre controverse. Après tout, c'est en vertu de cette évidente conviction que la gauche, en 1981, imposa à une opinion contraire l'abolition de la peine de mort.

Du coup, je ne peux taire ma surprise lorsque je lus, hier soir, le message envoyé aux rédactions par le sénateur Jean-Pierre Masseret, président du conseil régional de Lorraine, proclamé durant la dernière campagne électorale «premier des socialistes lorrains» (sic). Allez, je vous le livre dans son intégralité:
« C’est avec émotion et tristesse que je viens d’apprendre la disparition du Général Marcel Bigeard.
Ce grand soldat lorrain, originaire de Toul, aura connu une carrière militaire exceptionnelle, parvenant à s’élever au plus haut niveau de l’armée française par son courage et sa ténacité.
Entamant une carrière politique, après avoir quitté l’Armée, il deviendra Secrétaire d’Etat à la Défense puis député de Meurthe et Moselle entre 1978 et 1988.
Son décès prend en France, et tout particulièrement en Lorraine, une dimension singulière aujourd’hui en ce 18 juin 2010, à l’heure où nous célébrons le 70ème Appel à la Résistance que lançait le Général de Gaulle au micro de la BBC depuis Londres.
La Lorraine perd aujourd’hui un grand homme. 
En mon nom personnel et au nom de l’ensemble du Conseil Régional, je tiens à exprimer à Gaby, à sa famille, à ses proches ainsi qu’à ses camarades, mes plus sincères condoléances. »
Vous avez bien lu: pas une allusion à l'affaire de la «question», pas l'ombre d'une désapprobation ou d'un regret. Se trouvera-t-il quelque convent inspiré pour expliquer au grand humaniste qui préside notre région qu'il vient de perdre une occasion de ne pas se taire?
***
A propos de Bigeard, faut que je vous dise un truc: le général était corruptible; et personnellement, je fus un pistonné. Il y a un peu plus de trente ans de cela, l'armée française, contre toute évidence, me jugea apte à servir dans ses rangs durant toute une année. Dans la famille, l'un de mes frères fut objecteur de conscience et les quatre autres jouèrent si bien la comédie devant le médecin militaire qu'on les exempta. Bref, mon enrôlement au titre du service national faisait un peu tache; et mon adorable grand-mère, voisine et sincère admiratrice de Bigeard, s'en fut clandestinement plaider ma cause devant le Marcel. Ma grand-mère aussi avait du talent, ce qui me permit d'assurer mon année dans d'assez sympathiques conditions (malgré le souvenir douloureux de quelques manœuvres hivernales), dans l'obscurité reposante  d'un labo photo à trente kilomètres de chez mes parents. Je ne vous raconte ma vie que pour montrer, avec une ingratitude incroyable, que ce super-héros savait aussi faire de la politique, avec un petit p.

Autre chose: je n'ai guère entendu, dans les journaux télé et radio d'hier, le rappel de ce soutien de Bigeard à la torture. Je n'en suis que plus fier de lire dans la presse écrite d'aujourd'hui, y compris dans le journal qui me fait l'honneur de m'employer, des papiers qui ne sacrifient pas tout au politiquement correct. Ben oui, de temps en temps, on peut en être fier!

vendredi 18 juin 2010

Qui ne dit mot consent, Mitterrand!


Ça y est, ils se sont réveillés! Hier jeudi, un sénateur socialiste, David Assouline, s'est fendu d'une question orale au gouvernement pour s'inquiéter des concentrations dans la presse quotidienne régionale, et particulièrement de l'asservissement des journaux de l'Est, de Bourgogne et de Rhône-Alpes à un seul actionnaire «dont les dirigeants sont réputés proches du président de la République». Certes, Assouline a lié ce drame à l'intervention de Sarkozy dans les affaires du Monde, auxquelles le microcosme est sans doute plus sensible qu'à celles de la presse de province. Mais enfin, ne faisons pas la fine bouche: l'effort est louable. On ne doute pas que nos élus favoris vont poursuivre sur leur lancée, chacun sur son territoire, et on va suivre ça de très près.

Quant au gouvernement, il est visible qu'on n'a rien à en attendre: Frédéric Mitterrand a consacré l'intégralité de sa réponse au Monde. Pas un mot pour la presse régionale... Une marque de mépris, ou un aveu de complicité, qu'on n'oubliera pas.

 _______________
PS (si j'ose dire): vous pouvez aussi découvrir l'auto-glorification des camarades, stupéfaits de leur propre audace, ici. Et on sera indulgent pour l'orthographe; ça doit être l'émotion...

samedi 12 juin 2010

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, 26 août 1789.

mercredi 9 juin 2010

La gauche est-elle aveugle, ou complice?

L'apathie de la gauche et de ceux qui s'en disent les représentants me surprend. M'attriste. Me révolte.

La gauche, vous savez? Celle qui, dans les années 80, tenta de lutter contre les concentrations de la presse. Celle qui se dit attachée aux Droits de l'Homme et à la démocratie. Celle qui se montre si sourcilleuse de sa liberté d'expression. La gauche, quoi!

Aujourd'hui, se constitue un groupe de presse monstrueux, qui va réunir l'essentiel des médias dans un bon tiers de la France, de Grenoble à Strasbourg. Un groupe dont la direction –le Crédit Mutuel, puisqu'il faut bien le nommer– ne fait pas la différence entre une entreprise de presse et une entreprise «comme les autres», et pour qui l'information n'est qu'une marchandise dont le seul intérêt réside dans le profit qu'on peut en tirer. Même Le Monde s'en émeut...

Face à ce nouveau type de papyvore, il va de soi que la gauche et ceux qui s'en disent les représentants vont se mobiliser, protester, émettre des propositions de lois, comme ils le firent jadis contre Hersant et Dassault. Cela va de soi... sauf qu'il semble qu'il était plus facile de hurler contre Hersant que contre un groupe bancaire.

Parce que, voilà: on ne les entend pas, ces vertueux représentants de la gauche. Rien, pas un communiqué, pas une initiative, nada! De qui, de quoi ont-ils peur? Craignent-ils pour leurs plans de com'? Eux, ou les collectivités qu'ils dirigent, sont-ils ligotés par des intérêts financiers? Ou, et ce serait peut-être pire, ont-ils tellement perdu leurs repères idéologiques qu'ils ne voient plus où se situe le danger pour la démocratie et le droit à l'information?

Demain –mais il sera trop tard–, on mesurera avec effroi la responsabilité et l'absence de sens des responsabilités des élus «de gauche» que les habitants de ces contrées de l'Est ont portés au Parlement. De Mesdames Darciaux, Filippetti, Didier, Schillinger, entre autres. De Messieurs Collomb, Moscovici, Masseret, Destot, Migaud, Le Déaut, Féron, Liebgott, Queyranne, Montebourg, Todeschini, Rebsamen, Patriat, entre autres.

La gauche baisse les bras. On finira bien un jour par savoir ce qu'elle espère tirer de cette honteuse et coupable complicité. Et si ces Messieurs-Dames veulent me démentir, qu'ils se réveillent et agissent enfin; promis, on leur en sera reconnaissant!

jeudi 20 mai 2010

Je pinaille

A la Une de l'édition locale d'un grand quotidien, ce matin:

«50 000 € d'escroquerie jugés».

Je suis perplexe. Des euros ont donc été jugés? Peut-on condamner des euros?

A priori, je suppose que c'est plutôt l'escroquerie qui a été jugée. Ça, ça peut passer. Le Littré admet l'expression «juger un livre», au même titre que «juger un auteur». La forme correcte serait donc:

«50 000 € d'escroquerie jugée»...

...ce qui reste douteux. L'orthodoxie imposerait plutôt:

«Une escroquerie de 50 000 € jugée».

C'est vrai, je pinaille. Mais à force d'écrire comme l'on parle, on finit par écrire n'importe comment. Ici, cela n'est pas très grave. Mais j'aime bien souligner à quel point le respect de la grammaire et du lexique peuvent nous éviter d'énoncer des absurdités. Je n'en dirai pas plus: que celui qui n'a jamais péché (à ne pas confondre avec pêché)...

lundi 17 mai 2010

Epatant !

On trouve ça au milieu de l'expo Chefs-d'œuvre? présentée pour inaugurer le nouveau Centre Pompidou Metz:


Vous trouvez ça drôle? Oui, finalement... Mais ça n'empêche pas que cette expo, ce centre Pompidou, ce bâtiment, ce truc invraisemblable, c'est incroyablement beau, émouvant, fantastique. Je ne sais pas comment vous convaincre qu'il n'y a aucun chauvinisme là-dedans, mais vraiment, je vous le dis: venez, vous n'en reviendrez pas et vous vous sentirez obligé de revenir. Je vous assure!

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http://www.centrepompidou-metz.fr/

jeudi 6 mai 2010

Au revoir, Maurice


Maurice Padiou est mort.

Maurice Padiou, carte de presse n° 21 095, grand reporter, jusqu'en 1997, puis rédacteur en chef au Républicain Lorrain.


Maurice Padiou était pour moi un peu plus qu'un confrère. Depuis son départ à la retraite, en 2003, je n'ai jamais entendu  sans irritation les railleries parfois lancées à son propos. Mais dans ce métier où l'on n'aime parler des confrères que pour les débiner, même les plus féroces avaient du mal à ironiser sur lui. C'est qu'au-delà de ses défauts, car il en avait évidemment, Padiou était quelqu'un de bien, de très bien, et cela ne pouvait échapper à personne.

J'ai personnellement plusieurs dettes envers Maurice Padiou. D'abord parce qu'il tint, en 1996, à me soutenir activement dans un combat difficile. Jean Kiffer, le député-maire d'Amnéville, avait, en mai, publié dans son journal municipal un texte particulièrement injurieux à mon égard et, à travers ma modeste personne, à l'égard de l'ensemble de la rédaction du journal. Sous l'impulsion de Jean Marziou, chef du service des informations générales, 104 confrères avaient aussitôt signé une pétition; et surtout, nous avions monté une action judiciaire assez originale: d'une part, avec le soutien de la CFDT, je portai plainte pour injures publiques; d'autre part, dix-neuf journalistes de la rédaction, soutenus par la CFDT, le SNJ et Force ouvrière, accusèrent Kiffer de diffamation. L'affaire fut gagnée en première instance, en appel et en Cassation, et Kiffer fut condamnée à 23 000 francs d'amende et 10 019 (!) francs de dommages et intérêts...

Maurice Padiou avait tenu à figurer parmi la délégation des dix-neuf. C'était éminemment courageux, alors que la direction du journal considérait l'affaire avec quelque méfiance et qu'il était déjà pressenti pour devenir rédacteur en chef. Je lui en garde une très profonde reconnaissance, comme aux dix-huit autres consœurs et confrères embarqués dans cette histoire de fous. Je lui en garde une reconnaissance d'autant plus vive qu'il ne m'en a jamais demandé la moindre compensation.

Outre cette dette personnelle, j'espère partager avec l'ensemble de la rédaction le respect que l'on doit à un journaliste profondément attaché à notre métier. Qu'il fût grand reporter ou rédacteur en chef, il n'a à ma connaissance jamais manqué à la solidarité professionnelle. Je sais, nous savons qu'après le décès en 1999 de Marguerite Puhl-Demange, P.-D.G. du Républicain Lorrain, il réussit à de nombreuses reprises la tâche délicate de défendre la rédaction, dans l'exercice de ses missions, face à une direction pour le moins erratique.

Les souvenirs se bousculent et je ne sais lesquels privilégier. Militant syndical SNJ convaincu, Maurice Padiou fut aussi, pendant longtemps, le secrétaire du comité d'entreprise du Républicain Lorrain. Il attachait à cette mission un sens très particulier. Tout en manifestant un respect que je trouvais parfois déraisonnable à la personne de Marguerite Puhl-Demange – c'était une autre époque –, il faisait tout pour que la place centrale de la rédaction soit maintenue et respectée. Il manifesta du reste une amertume visible lorsque, après son départ, la rédaction perdit ce secrétariat du CE...

Je me rappelle aussi les négociations que nous menâmes, lui au titre de représentant de la direction, ce qui devait le perturber un peu, mes camarades et moi au nom des syndicats, pour reconstruire une grille des fonctions et des salaires des journalistes de la maison. Dans cette délicate affaire, il sut là encore mêler respect et diplomatie, sans que cela perçât forcément aux yeux de l'entourage.

Et puis tout de même, et puis surtout Maurice Padiou était d'abord un journaliste. Il fut même le dernier rédacteur en chef à écrire régulièrement dans le journal, produisant des éditos dont la longueur rendrait malades aujourd'hui les normalisateurs de l'info, et où il appliquait à l'envi son précepte favori: in cauda venenum. Un chef qui sait écrire, et qui le prouve... Rien que pour cela, on l'aime.

Une seule chose me chiffonne, et j'aurais aimé oser l'interroger à ce sujet: comment s'était-il laissé assez aveugler pour soutenir la candidature de celui qui lui succéda au poste de rédacteur en chef, et qui ne trouva pas d'autre urgence, dès sa nomination, que de baver à longueur de temps sur «l'héritage» afin de masquer sa propre nullité? Une telle erreur ne lui ressemble pas, sauf à admettre qu'étant lui-même exempt de méchanceté, il ne pouvait imaginer telle noirceur chez un confrère.

«Au revoir, Madame», avait-il écrit sur la Une du journal annonçant la disparition de Marguerite Puhl-Demange. Je n'ose pas trop écrire aujourd'hui: «Au revoir, Monsieur».

mercredi 28 avril 2010

Mirabelle, couarail, télé et indépendance

La mirabelle est un symbole de notre belle Lorraine ; le couarail aussi. Pour les lecteurs d'ailleurs qui passeraient par hasard sur ce blogue, je rappelle qu'en Lorraine, on appelait couarail la séance de palabre tenue le soir sur le seuil des maisons, au temps où la télé n'existait pas. Éventuellement, en se tapant un petit verre d'eau-de-vie de mirabelle.

Ce lointain souvenir n'est pas le seul lien entre la mirabelle et le couarail. Le dernier en date est relaté ce matin dans le journal local: le conseil général de la Moselle lance sa chaîne de télé, baptisée «Mirabelle TV». Et, figurez-vous, on aura droit deux fois par mois à une émission de 52 minutes qui s'appellera... «Le Couarail». Pour un peu, je crierais au plagiat.

Revenons aux choses sérieuses. Une télé financée par un conseil général, créée à moins d'un an d'élections cantonales un peu difficiles pour la majorité départementale, ça peut prêter à réfléchir. Mais seuls des esprits tordus y trouveront à redire. L'article du journal de ce matin, qui ne s'embarrasse pas de questions irrévérencieuses, l'affirme au contraire: le rédacteur en chef de Mirabelle TV «ne nourrit "aucune inquiétude sur l’indépendance d’une télévision" dont l’actionnaire principal à hauteur de 60 % est le conseil général de Moselle et plus accessoirement quelques collectivités locales». Des collectivités locales, mais lesquelles? Réponse, qui n'était depuis quelques semaines qu'un secret de Polichinelle: «Le CIC (10 %), le Crédit Mutuel (16 %), Le Républicain Lorrain (4 %), la Chambre de Métiers de la Moselle (2 %), le FC Metz (1 %)» (accessoirement, ça nous fait un total de 93%, et le journal ne nous dit pas où sont les 7% restants). Précision complémentaire: «Mirabelle TV est construite sur le même modèle économique qui régit actuellement France télévisions». Dont le véritable président, nous rappelle opportunément la Une de Télérama cette semaine, n'est autre que Nicolas Sarkozy, c'est dire!

La mirabelle est un fruit à noyau. Espérons qu'il ne sera pas trop dur à avaler.

jeudi 15 avril 2010

Le web sans pub !

Mon fils, qui n'est pas génial que parce qu'il est mon fils, vient d'installer sur l'ordinateur familial un truc formidable. Il s'agit de «Adblock Plus», un module de Firefox qui ne charge plus les publicités dans les pages web (ici). Ne me demandez pas comment ça marche; mais je peux vous assurer que ça marche! Exemples:

Une page d'un journal pris au hasard sans Adblock Plus


...et la même avec Adblock Plus.


Etonnant, non? Et tellement plus agréable! (En plus, les pages s'affichent plus rapidement, ce qui ne gâte rien.)

Ça fonctionne aussi sur les blogues. Démonstration :

Sans Adblock plus...


...avec Adblock Plus.

Voilà un bien beau progrès, qui risque en outre de poser un sacré problème aux éditeurs s'il se généralise. Plus de pub sur le web, c'est toute l'économie du système qui est à revoir. Sans doute l'obligation de faire payer les internautes au juste prix, ce qui remettrait un peu d'équité dans le match entre le web et le papier. On verra bien... En attendant, amis internautes, n'hésitez pas: équipez-vous (c'est gratuit) de ce dispositif d'avenir, et ne vous laissez plus empuber !
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P.S. - En fait, ce système existe déjà depuis plusieurs années; mais personne n'en fait... la pub. Va falloir changer ça, scrogneugneu!

jeudi 8 avril 2010

A suivre...

Je vous livre tels quels ces vers de mirliton reçus hier.
Vers de mirliton peut-être, mais qui marquent certainement l'évolution de nos m
étiers,
et pas seulement de la Filpac(1).

«Cette nuit, en quittant son poste,
il a certainement eu un pinceme
nt au cœur,
Tout comme moi lorsque je l'ai quitté.
Une page de l'histoire de la Filpac vient de se tourner
Le dernier m
onteur a envoyé sa dernière page qui est partie rejoindre les autres sur la roto.
Demain, le jour va se lever,

la journée va défiler le soir va tomber,
tout comme les pages, les unes après les autres au CTP pour rouler sur la roto.
Mais l'écran du dernier monteur restera noir.

Pour combien de temps, le temps de rebondir
et de trouver l'inspiration
pour écrire la suite de l'histoire de la Filpac

Mais il ne faut pas désespérer, car une chose est sûre, toute évolution aussi moderne soit-elle

a contribu
é à la disparition de certains métiers, et à en faire émerger d'autres.
La page
est tournée mais le livre ne se referme pas
à nous tous d'écrire notre aveni
r»
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(1) La Filpac est la fédération CGT des ouvriers du Livre.

mercredi 7 avril 2010

Bichelberger lève un lièvre

Je dois confesser un péché de suffisance: j'avais toujours éprouvé un a priori défavorable envers l'écrivain Roger Bichelberger, alors que je n'ai jamais rien lu de lui. Il me semblait faire partie de cet encombrant aréopage de courtisans qui entourait ma défunte patronne, Marguerite P.-D., et s'imposait sans vergogne dans les colonnes de l'illustre journal où elle m'avait fait l'honneur de m'embaucher.

L'habit ne fait pas le moine, donc, et je me suis comporté comme un cuistre à l'encontre de Bichelberger, qui, je suppose, n'en a rien à f...aire. Avant de revoir totalement mon jugement, je vais quand même m'atteler à la lecture de l'un ou l'autre de ses bouquins; mais ce qui motive ce mea culpa, c'est un très bon portrait de l'écrivain paru dimanche dans le journal local. Un bon papier, vraiment, étoffé de témoignages, assez laudateur certes – mais pourquoi pas, si la consœur est suffisamment séduite par cet homme-là pour souhaiter que s'y rallie la masse de ses lecteurs?

Une seule chose me chagrine dans tout ça, c'est l'évocation à plusieurs reprises dans ce texte d'Anne et Gérard Philippe. Avec deux p, oui. (Tous les plus de 37 ans et demi, environ, se souviennent que, superstitieux comme un acteur, Gérard Philipe avait étudié son pseudonyme de façon à ce qu'il ne compte que treize lettres. Ça ne lui a pas porté chance jusqu'au bout, ce qui prouve que la superstition porte malheur.) Que la faute ait été commise au moment de la rédaction est navrant. Qu'elle n'ait pas été rectifiée au moment adéquat par le secrétaire de rédaction, «dernier rempart» contre la barbarie orthographique ou stylistique, l'est encore plus par ce que cela signifie.

C'est que, de plus en plus, ces confrères et consœurs sont accaparés par des tâches techniques, qui requièrent avant tout une bonne maîtrise de la bureautique et qui, surtout, les privent du temps nécessaire à l'exercice de leur mission journalistique. La veille, dans le même journal, mais à une autre rubrique, on avait découvert une magnifique évocation de l'irruption de la Montagne Pelée. Joli! (Et même: Joli... le journal – je vous demande pardon, ça m'a échappé.)

Des comme ça, on en trouve tous les jours. Ce n'est pas que les journalistes, dans l'ensemble, sont moins bons en rédaction française que leurs prédécesseurs; c'est même souvent le contraire. Mais remplacer des metteurs en page par des journalistes et des correcteurs par des automates informatiques...
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A lire: www.republicain-lorrain.fr/fr/permalien/article/2944413/L-ecrivain-eveilleur.html

dimanche 28 mars 2010

Régionales: on tourne la page

Ça, c'est fait. Les élections régionales, je veux dire. Je n'ai pas voulu vous embêter avec ça ces derniers temps, mais maintenant, on peut tirer vite fait le bilan dans notre belle Lorraine.

Primo, une abstention record. Par rapport aux élections précédentes, et par rapport aux autres régions. On a les titres de gloire que l'on peut. Evidemment, c'est le fameux message au pouvoir, etc., etc. A Gandrange, non seulement les gens n'ont pas voté, mais les quelques-uns qui l'ont fait ont presque donné la majorité absolue au 1er tour à la gauche, et ratatiné la droite loin derrière le FN. Si vous voulez prendre une gamelle, invitez Sarkozy!

Mais l'abstention est aussi la traduction d'un fossé de plus en plus profond entre les individus et l'organisation collective. L'abstention aux élections n'est pas différente de la dé-syndicalisation, par exemple. Je me débrouille, je ne me sens pas partie prenante du tout... Tout le monde le sait, tout le monde le dit, et alors? Je ne vois pas pourquoi je ne le dirais pas, moi aussi!

Secundo, l'effondrement, ici comme ailleurs, de la liste UMP. Ici comme ailleurs, oui, mais avec cette circonstance particulière qu'en Lorraine, la droite a tout fait pour se détruire elle-même, quitte à laisser le champ libre au FN. Je ne vais pas vous embêter avec le récit des querelles internes de l'UMP locale, c'est assez minable et ça n'en vaut guère la peine. Dommage pour le chef de file, Laurent Hénart, qui est un type assez sympathique; mais outre qu'il a choisi le mauvais camp, il ne s'est pas montré extraordinairement combattif, même dans sa propre équipe. Vae victis...

Tertio, la victoire, et donc le maintien de l'équipe PS-PC-écolos aux manettes de la Région. Evidemment, elle bénéficie des circonstances énumérées ci-dessus. Mais en plus, le patron, Jean-Pierre Masseret, s'est montré particulièrement habile. Certes, il n'est élu que par un Lorrain sur quatre, environ; mais dans la bande, il s'est imposé comme le big boss, alors qu'il faut bien reconnaître qu'il était arrivé là, en 2004, un peu par hasard.

Et enfin, tout se termine par le retour en force de... la Nadine (Morano), qui a pris la tête de l'opposition sans laisser le moindre choix à ses collègues, aidée au passage par Longuet qui se met en retrait de la vie politique locale. J'ai bien peur que cette victoire-là soit celle de la plus petite dimension de la politique. Je n'épilogue pas; sur la Nadine, je crois qu'il y aura encore beaucoup à raconter d'ici à 2004.

Tout ça ne va pas bien loin. Et maintenant que cet épisode est passé, je me demande si ça valait bien les litres d'encre qu'on lui a consacrés... Vous, je sais pas; mais moi, j'avais nettement préféré les municipales. Ah, et puis: au conseil régional de Lorraine, on n'a encore jamais fait aussi spectaculaire que l'élection en 1992 de Longuet, après que celui-ci ait en beauté éjecté Jean-Marie Rausch. Ça, c'était du music-hall!
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Pour le fun, un petit retour 18 ans en arrière. Ça me rajeunit.
http://www.ina.fr/politique/partis-politiques/video/CAB92021707/election-du-president-du-conseil-regional-de-lorraine-gerard-longuet.fr.html

mardi 23 mars 2010

La grève n'est pas qu'un concept


En pleine période d'élections, le journal L'Alsace vient de subir trois jours de non-parution. Soutenus par la CFDT et FO, les porteurs (qui en assurent la distribution dans les boîtes aux lettres) étaient en grève, et la direction du journal a préféré suspendre l'impression. Les grévistes revendiquaient une rémunération de 9 centimes d'euro par journal porté ; Ils ont finalement obtenu une hausse de 2 % en deux étapes (1 % au 1er mars et 1 % au 1er septembre), qui amènera le salaire payé par journal porté à 8 centimes. La négociation a porté également sur l'octroi d'une prime d'intempérie.
Par ailleurs, Le Progrès n'est pas paru hier lundi 22 mars, en raison d'une grève des services techniques.
Petit à petit, les financiers qui ont pris le contrôle de ces quotidiens découvrent qu'on ne dirige pas des journaux comme des agences bancaires. Et ils ont encore beaucoup à apprendre !

jeudi 18 mars 2010

A tu et à toi

Il y a, dans la ville où je vis et où je travaille, un député particulièrement jovial. Tellement jovial qu'on surnomme souvent cet ancien médecin «le bon docteur». Je ne dirai pas si le bon docteur est, à mon sens, un bon ou un mauvais député; si je pense à lui ce matin, c'est en raison d'une particularité précise: sa propension à tutoyer tout le monde, et particulièrement les journalistes, dès qu'il connaît son interlocuteur depuis plus de cent vingt secondes.

Personnellement, cette habitude m'agace au plus haut point. Non seulement parce qu'on n'a pas gardé les cochons ensemble — d'ailleurs, je n'ai jamais gardé de cochons — ; mais aussi par ce qu'elle révèle de la conception que peuvent se faire les hommes (et femmes) politiques de leurs relations avec les journalistes. Un cocktail de compréhension mutuelle, de complicité, voire d'une sorte de confraternité...

Et encore: que les politiciens tentent de séduire les journalistes, ça peut se comprendre. Mais je suis plus inquiet encore de l'inclination de pas mal de journalistes des deux sexes qui, eux aussi, pratiquent le tutoiement à outrance. (Je ne parle même pas de celles et ceux qui épousent les élus ; là, on est dans une autre dimension.) Il y a de nombreuses raisons à cela. Lorsqu'on rencontre à longueur de semaine les mêmes interlocuteurs, des connivences se créent. Mais il y a aussi, parfois inconsciemment, la griserie de se croire tout proches du pouvoir. Et encore l'illusion d'une espèce d'égalité, de fraternité... Comme si, d'une certaine façon, on faisait le même métier ; comme si on partageait un univers privilégié, le monde de ceux qui savent et qui peuvent.

En réalité, les journalistes qui tombent dans ce panneau sont victimes d'une grave illusion. Soyons réalistes: les politiciens sont généralement assez avisés pour jouer de cette naïveté de leurs interlocuteurs, qui les instrumentalise et les manipule. Il ne faut pas rêver; le bon docteur qui vous tape sur le ventre ne vous lâchera pas pour autant une info qui ne servirait pas ses intérêts ou ceux de son camp.

J'observe d'ailleurs le même phénomène chez quelques fait-diversiers, qui finissent par s'identifier aux policiers, aux magistrats, aux avocats qu'ils fréquentent. A force de vouloir comprendre et partager les préoccupations des flics, on finit par perdre son esprit critique.

Je ne vais pas jouer les supermen. Je l'avoue: je tutoie, moi aussi, trois ou quatre politiciens, de gauche et de droite. Peu, en vérité, pour lesquels j'éprouve une réelle sympathie personnelle. C'est un peu la quadrature du cercle. A nous tous, chères consœurs, chers confrères, d'être vigilants!

samedi 6 mars 2010

Nadine meilleure que Sarko !


A ce qu'on dit, Sarkozy a dû arriver ce samedi matin au salon de l'Agriculture, comme un voleur, en se cachant pour ne pas exciter les foules. Dans l'histoire de la Ve République, que le chef de l'Etat redoute autant de s'entendre lancer «Casse-toi, pauv' con!» est une grande première.

Pour nous, les Lorrains, ça n'est toutefois pas une surprise. A part le maire de Metz, qu'on a connu plus lucide, à peu près tout le monde ici a mesuré le ridicule de la double visite de Sarko en Moselle (via Gandrange) les 8 et 15 octobre derniers. Cette triste mascarade n'est sans doute pas étrangère à la place catastrophique (pour elle) de l'UMP dans les intentions de vote des Lorrains aux régionales, selon le sondage publié cette semaine par les journaux locaux.


Ça n'est pourtant pas compliqué de réussir son examen du Salon de l'Agriculture. Il n'y a pas que Chirac qui peut en témoigner: mardi dernier, la Nadine nous a fait une éblouissante démonstration de culot, en piquant à Masseret la vedette lors de l'inauguration du stand lorrain. Même Longuet, l'ancien président du conseil régional, et Hénart, qui voudrait bien être le prochain, en paraissaient gênés.

Grand mo
ment de finesse politique, quand maâme Nadine n'a pas hésité, geste à l'appui, à comparer sa propre anatomie à celle des plus généreuses vaches laitières de notre belle campagne...

D'accord, c'est n'importe quoi. Mais à défaut de mieux, ça serait intéressant de voir Sarko s'inspirer des méthodes de com' de Nadine avec ses gros sabots. Allez, cassons-nous!
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* La Nadine: Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la Famille, conseillère régionale UMP de Lorraine.