dimanche 28 mars 2010

Régionales: on tourne la page

Ça, c'est fait. Les élections régionales, je veux dire. Je n'ai pas voulu vous embêter avec ça ces derniers temps, mais maintenant, on peut tirer vite fait le bilan dans notre belle Lorraine.

Primo, une abstention record. Par rapport aux élections précédentes, et par rapport aux autres régions. On a les titres de gloire que l'on peut. Evidemment, c'est le fameux message au pouvoir, etc., etc. A Gandrange, non seulement les gens n'ont pas voté, mais les quelques-uns qui l'ont fait ont presque donné la majorité absolue au 1er tour à la gauche, et ratatiné la droite loin derrière le FN. Si vous voulez prendre une gamelle, invitez Sarkozy!

Mais l'abstention est aussi la traduction d'un fossé de plus en plus profond entre les individus et l'organisation collective. L'abstention aux élections n'est pas différente de la dé-syndicalisation, par exemple. Je me débrouille, je ne me sens pas partie prenante du tout... Tout le monde le sait, tout le monde le dit, et alors? Je ne vois pas pourquoi je ne le dirais pas, moi aussi!

Secundo, l'effondrement, ici comme ailleurs, de la liste UMP. Ici comme ailleurs, oui, mais avec cette circonstance particulière qu'en Lorraine, la droite a tout fait pour se détruire elle-même, quitte à laisser le champ libre au FN. Je ne vais pas vous embêter avec le récit des querelles internes de l'UMP locale, c'est assez minable et ça n'en vaut guère la peine. Dommage pour le chef de file, Laurent Hénart, qui est un type assez sympathique; mais outre qu'il a choisi le mauvais camp, il ne s'est pas montré extraordinairement combattif, même dans sa propre équipe. Vae victis...

Tertio, la victoire, et donc le maintien de l'équipe PS-PC-écolos aux manettes de la Région. Evidemment, elle bénéficie des circonstances énumérées ci-dessus. Mais en plus, le patron, Jean-Pierre Masseret, s'est montré particulièrement habile. Certes, il n'est élu que par un Lorrain sur quatre, environ; mais dans la bande, il s'est imposé comme le big boss, alors qu'il faut bien reconnaître qu'il était arrivé là, en 2004, un peu par hasard.

Et enfin, tout se termine par le retour en force de... la Nadine (Morano), qui a pris la tête de l'opposition sans laisser le moindre choix à ses collègues, aidée au passage par Longuet qui se met en retrait de la vie politique locale. J'ai bien peur que cette victoire-là soit celle de la plus petite dimension de la politique. Je n'épilogue pas; sur la Nadine, je crois qu'il y aura encore beaucoup à raconter d'ici à 2004.

Tout ça ne va pas bien loin. Et maintenant que cet épisode est passé, je me demande si ça valait bien les litres d'encre qu'on lui a consacrés... Vous, je sais pas; mais moi, j'avais nettement préféré les municipales. Ah, et puis: au conseil régional de Lorraine, on n'a encore jamais fait aussi spectaculaire que l'élection en 1992 de Longuet, après que celui-ci ait en beauté éjecté Jean-Marie Rausch. Ça, c'était du music-hall!
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Pour le fun, un petit retour 18 ans en arrière. Ça me rajeunit.
http://www.ina.fr/politique/partis-politiques/video/CAB92021707/election-du-president-du-conseil-regional-de-lorraine-gerard-longuet.fr.html

mardi 23 mars 2010

La grève n'est pas qu'un concept


En pleine période d'élections, le journal L'Alsace vient de subir trois jours de non-parution. Soutenus par la CFDT et FO, les porteurs (qui en assurent la distribution dans les boîtes aux lettres) étaient en grève, et la direction du journal a préféré suspendre l'impression. Les grévistes revendiquaient une rémunération de 9 centimes d'euro par journal porté ; Ils ont finalement obtenu une hausse de 2 % en deux étapes (1 % au 1er mars et 1 % au 1er septembre), qui amènera le salaire payé par journal porté à 8 centimes. La négociation a porté également sur l'octroi d'une prime d'intempérie.
Par ailleurs, Le Progrès n'est pas paru hier lundi 22 mars, en raison d'une grève des services techniques.
Petit à petit, les financiers qui ont pris le contrôle de ces quotidiens découvrent qu'on ne dirige pas des journaux comme des agences bancaires. Et ils ont encore beaucoup à apprendre !

jeudi 18 mars 2010

A tu et à toi

Il y a, dans la ville où je vis et où je travaille, un député particulièrement jovial. Tellement jovial qu'on surnomme souvent cet ancien médecin «le bon docteur». Je ne dirai pas si le bon docteur est, à mon sens, un bon ou un mauvais député; si je pense à lui ce matin, c'est en raison d'une particularité précise: sa propension à tutoyer tout le monde, et particulièrement les journalistes, dès qu'il connaît son interlocuteur depuis plus de cent vingt secondes.

Personnellement, cette habitude m'agace au plus haut point. Non seulement parce qu'on n'a pas gardé les cochons ensemble — d'ailleurs, je n'ai jamais gardé de cochons — ; mais aussi par ce qu'elle révèle de la conception que peuvent se faire les hommes (et femmes) politiques de leurs relations avec les journalistes. Un cocktail de compréhension mutuelle, de complicité, voire d'une sorte de confraternité...

Et encore: que les politiciens tentent de séduire les journalistes, ça peut se comprendre. Mais je suis plus inquiet encore de l'inclination de pas mal de journalistes des deux sexes qui, eux aussi, pratiquent le tutoiement à outrance. (Je ne parle même pas de celles et ceux qui épousent les élus ; là, on est dans une autre dimension.) Il y a de nombreuses raisons à cela. Lorsqu'on rencontre à longueur de semaine les mêmes interlocuteurs, des connivences se créent. Mais il y a aussi, parfois inconsciemment, la griserie de se croire tout proches du pouvoir. Et encore l'illusion d'une espèce d'égalité, de fraternité... Comme si, d'une certaine façon, on faisait le même métier ; comme si on partageait un univers privilégié, le monde de ceux qui savent et qui peuvent.

En réalité, les journalistes qui tombent dans ce panneau sont victimes d'une grave illusion. Soyons réalistes: les politiciens sont généralement assez avisés pour jouer de cette naïveté de leurs interlocuteurs, qui les instrumentalise et les manipule. Il ne faut pas rêver; le bon docteur qui vous tape sur le ventre ne vous lâchera pas pour autant une info qui ne servirait pas ses intérêts ou ceux de son camp.

J'observe d'ailleurs le même phénomène chez quelques fait-diversiers, qui finissent par s'identifier aux policiers, aux magistrats, aux avocats qu'ils fréquentent. A force de vouloir comprendre et partager les préoccupations des flics, on finit par perdre son esprit critique.

Je ne vais pas jouer les supermen. Je l'avoue: je tutoie, moi aussi, trois ou quatre politiciens, de gauche et de droite. Peu, en vérité, pour lesquels j'éprouve une réelle sympathie personnelle. C'est un peu la quadrature du cercle. A nous tous, chères consœurs, chers confrères, d'être vigilants!

samedi 6 mars 2010

Nadine meilleure que Sarko !


A ce qu'on dit, Sarkozy a dû arriver ce samedi matin au salon de l'Agriculture, comme un voleur, en se cachant pour ne pas exciter les foules. Dans l'histoire de la Ve République, que le chef de l'Etat redoute autant de s'entendre lancer «Casse-toi, pauv' con!» est une grande première.

Pour nous, les Lorrains, ça n'est toutefois pas une surprise. A part le maire de Metz, qu'on a connu plus lucide, à peu près tout le monde ici a mesuré le ridicule de la double visite de Sarko en Moselle (via Gandrange) les 8 et 15 octobre derniers. Cette triste mascarade n'est sans doute pas étrangère à la place catastrophique (pour elle) de l'UMP dans les intentions de vote des Lorrains aux régionales, selon le sondage publié cette semaine par les journaux locaux.


Ça n'est pourtant pas compliqué de réussir son examen du Salon de l'Agriculture. Il n'y a pas que Chirac qui peut en témoigner: mardi dernier, la Nadine nous a fait une éblouissante démonstration de culot, en piquant à Masseret la vedette lors de l'inauguration du stand lorrain. Même Longuet, l'ancien président du conseil régional, et Hénart, qui voudrait bien être le prochain, en paraissaient gênés.

Grand mo
ment de finesse politique, quand maâme Nadine n'a pas hésité, geste à l'appui, à comparer sa propre anatomie à celle des plus généreuses vaches laitières de notre belle campagne...

D'accord, c'est n'importe quoi. Mais à défaut de mieux, ça serait intéressant de voir Sarko s'inspirer des méthodes de com' de Nadine avec ses gros sabots. Allez, cassons-nous!
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* La Nadine: Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la Famille, conseillère régionale UMP de Lorraine.

mercredi 3 mars 2010

Il n'y a pas de sauveur suprême

Bientôt les élections régionales, et les choses sont à peu près nettes. En Lorraine, on devra choisir, à gauche, entre les listes du NPA, du Front de Gauche, des écolos et de Lutte ouvrière. Ah, et puis j'oubliais: celle qui s'appelle «La Gauche avec Jean-Pierre Masseret». Une liste sans étiquette, en somme, qui ne se revendique que d'un seul point fédérateur: le Lider Maximo, le chef, le Grand Timonier, le Boss, Dieu le Père, le Petit Père du Populo, le chef de meute, le Petit Caporal, Papa, Sa Sainteté.

Une liste qui n'annonce pas sa couleur: socialiste? Communiste? Anarchiste? «La Gauche», par les temps qui courent, c'est vague. Une liste qui, donc, voit les électeurs de la même façon que les multiples pouvoirs personnels qui ont émaillé l'Histoire ont considéré les peuples: des troupeaux de moutons qui ne réclament qu'une chose, qu'un berger incontesté les guide à travers les verts pâturages.

Jean-Pierre Masseret, en l'occurrence, n'est sûrement pas le pire président qui pourrait échoir au conseil régional de Lorraine. Il n'a pas si mal travaillé depuis 2004. D'autres auraient fait mieux; d'autres, à coup sûr, auraient fait beaucoup plus mal. La question n'est pas là. Les 14 et 21 mars, on doit élire un conseil régional, composé de femmes et d'hommes qui se battent pour réaliser la mission qu'on leur assignera, selon des convictions, une idéologie (oh, le gros mot!), une certaine idée de la vie collective. Le nom de la présidente ou du président est, dans ce premier temps, très accessoire.

Or, que nous anno
nce l'intitulé de cette liste, qui sera sans doute victorieuse? «La Gauche avec Jean-Pierre Masseret.» Il y a tromperie sur la marchandise: la gauche, c'est la somme de toutes les listes que j'ai énumérées plus haut. Pas seulement les candidats du Parti socialiste et d'une partie du Parti communiste français. Parce que, au fait, il faut le savoir: J.-P. M., qui se faisait fort de rassembler autour de sa personne toute la gauche, du Modem (!) jusqu'au NPA, n'a même pas réussi à éviter la fraction en deux camps du PC, dont une partie des membres, et pas des moindres, a choisi le Front de Gauche!

Les socialistes ont été les seuls, en Lorraine, à accepter de se présenter aux électeurs sous le nom d'un homme dont un sondage indiquait naguère que moins de 20% des Lorrains le connaissent. Personnellement, je trouve ça parfaitement anachronique, ringard et révélateur d'une sacrée absence de courage. C'est mon avis, et comme d'habitude, je le partage.