jeudi 20 mai 2010

Je pinaille

A la Une de l'édition locale d'un grand quotidien, ce matin:

«50 000 € d'escroquerie jugés».

Je suis perplexe. Des euros ont donc été jugés? Peut-on condamner des euros?

A priori, je suppose que c'est plutôt l'escroquerie qui a été jugée. Ça, ça peut passer. Le Littré admet l'expression «juger un livre», au même titre que «juger un auteur». La forme correcte serait donc:

«50 000 € d'escroquerie jugée»...

...ce qui reste douteux. L'orthodoxie imposerait plutôt:

«Une escroquerie de 50 000 € jugée».

C'est vrai, je pinaille. Mais à force d'écrire comme l'on parle, on finit par écrire n'importe comment. Ici, cela n'est pas très grave. Mais j'aime bien souligner à quel point le respect de la grammaire et du lexique peuvent nous éviter d'énoncer des absurdités. Je n'en dirai pas plus: que celui qui n'a jamais péché (à ne pas confondre avec pêché)...

lundi 17 mai 2010

Epatant !

On trouve ça au milieu de l'expo Chefs-d'œuvre? présentée pour inaugurer le nouveau Centre Pompidou Metz:


Vous trouvez ça drôle? Oui, finalement... Mais ça n'empêche pas que cette expo, ce centre Pompidou, ce bâtiment, ce truc invraisemblable, c'est incroyablement beau, émouvant, fantastique. Je ne sais pas comment vous convaincre qu'il n'y a aucun chauvinisme là-dedans, mais vraiment, je vous le dis: venez, vous n'en reviendrez pas et vous vous sentirez obligé de revenir. Je vous assure!

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http://www.centrepompidou-metz.fr/

jeudi 6 mai 2010

Au revoir, Maurice


Maurice Padiou est mort.

Maurice Padiou, carte de presse n° 21 095, grand reporter, jusqu'en 1997, puis rédacteur en chef au Républicain Lorrain.


Maurice Padiou était pour moi un peu plus qu'un confrère. Depuis son départ à la retraite, en 2003, je n'ai jamais entendu  sans irritation les railleries parfois lancées à son propos. Mais dans ce métier où l'on n'aime parler des confrères que pour les débiner, même les plus féroces avaient du mal à ironiser sur lui. C'est qu'au-delà de ses défauts, car il en avait évidemment, Padiou était quelqu'un de bien, de très bien, et cela ne pouvait échapper à personne.

J'ai personnellement plusieurs dettes envers Maurice Padiou. D'abord parce qu'il tint, en 1996, à me soutenir activement dans un combat difficile. Jean Kiffer, le député-maire d'Amnéville, avait, en mai, publié dans son journal municipal un texte particulièrement injurieux à mon égard et, à travers ma modeste personne, à l'égard de l'ensemble de la rédaction du journal. Sous l'impulsion de Jean Marziou, chef du service des informations générales, 104 confrères avaient aussitôt signé une pétition; et surtout, nous avions monté une action judiciaire assez originale: d'une part, avec le soutien de la CFDT, je portai plainte pour injures publiques; d'autre part, dix-neuf journalistes de la rédaction, soutenus par la CFDT, le SNJ et Force ouvrière, accusèrent Kiffer de diffamation. L'affaire fut gagnée en première instance, en appel et en Cassation, et Kiffer fut condamnée à 23 000 francs d'amende et 10 019 (!) francs de dommages et intérêts...

Maurice Padiou avait tenu à figurer parmi la délégation des dix-neuf. C'était éminemment courageux, alors que la direction du journal considérait l'affaire avec quelque méfiance et qu'il était déjà pressenti pour devenir rédacteur en chef. Je lui en garde une très profonde reconnaissance, comme aux dix-huit autres consœurs et confrères embarqués dans cette histoire de fous. Je lui en garde une reconnaissance d'autant plus vive qu'il ne m'en a jamais demandé la moindre compensation.

Outre cette dette personnelle, j'espère partager avec l'ensemble de la rédaction le respect que l'on doit à un journaliste profondément attaché à notre métier. Qu'il fût grand reporter ou rédacteur en chef, il n'a à ma connaissance jamais manqué à la solidarité professionnelle. Je sais, nous savons qu'après le décès en 1999 de Marguerite Puhl-Demange, P.-D.G. du Républicain Lorrain, il réussit à de nombreuses reprises la tâche délicate de défendre la rédaction, dans l'exercice de ses missions, face à une direction pour le moins erratique.

Les souvenirs se bousculent et je ne sais lesquels privilégier. Militant syndical SNJ convaincu, Maurice Padiou fut aussi, pendant longtemps, le secrétaire du comité d'entreprise du Républicain Lorrain. Il attachait à cette mission un sens très particulier. Tout en manifestant un respect que je trouvais parfois déraisonnable à la personne de Marguerite Puhl-Demange – c'était une autre époque –, il faisait tout pour que la place centrale de la rédaction soit maintenue et respectée. Il manifesta du reste une amertume visible lorsque, après son départ, la rédaction perdit ce secrétariat du CE...

Je me rappelle aussi les négociations que nous menâmes, lui au titre de représentant de la direction, ce qui devait le perturber un peu, mes camarades et moi au nom des syndicats, pour reconstruire une grille des fonctions et des salaires des journalistes de la maison. Dans cette délicate affaire, il sut là encore mêler respect et diplomatie, sans que cela perçât forcément aux yeux de l'entourage.

Et puis tout de même, et puis surtout Maurice Padiou était d'abord un journaliste. Il fut même le dernier rédacteur en chef à écrire régulièrement dans le journal, produisant des éditos dont la longueur rendrait malades aujourd'hui les normalisateurs de l'info, et où il appliquait à l'envi son précepte favori: in cauda venenum. Un chef qui sait écrire, et qui le prouve... Rien que pour cela, on l'aime.

Une seule chose me chiffonne, et j'aurais aimé oser l'interroger à ce sujet: comment s'était-il laissé assez aveugler pour soutenir la candidature de celui qui lui succéda au poste de rédacteur en chef, et qui ne trouva pas d'autre urgence, dès sa nomination, que de baver à longueur de temps sur «l'héritage» afin de masquer sa propre nullité? Une telle erreur ne lui ressemble pas, sauf à admettre qu'étant lui-même exempt de méchanceté, il ne pouvait imaginer telle noirceur chez un confrère.

«Au revoir, Madame», avait-il écrit sur la Une du journal annonçant la disparition de Marguerite Puhl-Demange. Je n'ose pas trop écrire aujourd'hui: «Au revoir, Monsieur».