vendredi 4 avril 2014



De notre envoyé spécial…

Serai-je le dernier spécimen d’un genre voué à disparaître ? Je suis frappé par la résignation des mes frères et sœurs journalistes, face au travail de sape de plus en plus sournois mené contre nos rédactions. Petit rappel pour ceux qui ont manqué les épisodes précédents : dans, les années 2000-2010, le Crédit Mutuel a mis la main sur tous les quotidiens régionaux du nord-est de la France, de Grenoble à Strasbourg, y compris celui qui me fait l’honneur de m’employer. On nous a expliqué que c’était ça ou la mort, ce qui était un peu excessif mais pas totalement faux. Toujours est-il que nous sommes aujourd’hui dirigés par des banquiers, qui sont sans doute d’excellents professionnels. Et c’est là que ça cloche : nos patrons font très bien leur métier de banquiers, qui n’est pas un métier de patrons de presse. Leur truc, pour s’en sortir, consiste à coller des méthodes de banquier sur la gestion de la presse, et forcément, ça frotte pas mal. Allez expliquer à un comptable, même plein de bonnes intentions, les notions de droit à l’information, de droits d’auteur, de responsabilité personnelle, d’identité rédactionnelle… Il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre.
 Je ne vais pas revenir sur toutes les étapes du processus d’intégration des journaux au système Crédit Mutuel – on en reparlera sans doute. Mon dernier haut-le-cœur remonte à la lecture de l’édition de mardi du journal qui me fait l’honneur, etc. Ce jour-là, on devait rendre compte du grand procès du moment, celui du meurtre de deux malheureux enfants de l’agglomération messine, dont on accusait un sinistre malfaiteur également originaire de la proche région. Un beau fait divers comme on les aime dans la presse régionale, de ceux qui résonnent dans tout le pays sans rien perdre de leur saveur locale (réécouter ce cher Georges B. : « C’est pas seulement à Paris / Que le crime fleurit… »). Et là, surprise : le principal papier consacré à l’affaire est rédigé et signé par un confrère venu d’un autre journal de la galaxie Crédit Mutuel.
Ça peut paraître insignifiant, mais pour nous, cela veut dire beaucoup. Deux hypothèses :
1. Les journalistes locaux sont mauvais, et on va chercher ailleurs un bon pro pour s’occuper des choses sérieuses. Je n’évoque cette piste que dans le souci d’être complet ;
2. On poursuit la fusion des équipes des différents journaux de la galaxie Crédit Mutuel, déjà bien avancée dans les domaines de l’informatique, de la technique, de la publicité, des rédactions sportives et des services d’informations générales, et on entame le cœur du métier : l’information régionale et locale. 
Processus logique, même si on sait qu’il est à terme mortifère. Et voilà pourquoi je suis surpris par l’absence de réactions au sein de la rédaction. Au point où nous en sommes… pourquoi ne pas faire couvrir l’élection du maire de Metz , dans le journal de dimanche prochain, par un commando désœuvré recruté en Franche-Comté ou en Isère ? De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace !