mardi 2 juin 2015

Cent emplois détruits en silence


Hier a été diffusée cette dépêche de l'AFP, que l'on ne retrouve ce matin dans aucun quotidien régional en Lorraine.


96 suppressions d’emploi au Bien public et au Journal de Saône-et-Loire (syndicat)

Quatre-vingt-seize emplois vont être supprimés dans les services techniques et administratifs des quotidiens Le Bien public et Le Journal de Saône-et-Loire, propriétés du groupe Ebra, a-t-on appris lundi de source syndicale.
La fermeture d’ici février 2016 de l’imprimerie de Châtenoy-le-Royal (Saône-et-Loire) va entraîner la suppression de 56 postes, selon la déléguée syndicale CGT-Filpac, Valérie Roure.
L’impression des deux titres bourguignons sera ensuite transférée à Chassieu (Rhône), où est tiré un titre du même groupe, Le Progrès.
Un second volet du plan de sauvegarde de l’emploi prévoit d’ici fin 2015 quarante départs volontaires dans les services administratif, technique et informatique du Bien public et du Journal de Saône-et-Loire.
«La situation conjoncturelle de la presse écrite n’est pas florissante et il y a une stratégie générale de restructuration» afin d’opérer des regroupements notamment pour l’informatique et la publicité, a déclaré à l’AFP Mme Roure. «Nous essuyons les plâtres mais nous ne serons pas les seuls, je pense notamment à l’Est républicain, L’Alsace,...» (autres publications du groupe Ebra).
La déléguée syndicale a indiqué que les négociations avec la direction, qui se sont déroulées dans un climat «serein», allaient permettre d’atteindre un accord majoritaire avec les organisations syndicales.
Selon l’OJD, en 2014, le Bien public a été diffusé à 37.970 exemplaires quotidiens (-3,82% par rapport à 2013) et le Journal de Saône-et-Loire à 50.034 exemplaires (-2,56%).
Détenu par le Crédit mutuel, le groupe Ebra est le premier groupe de presse régionale en France en termes de lecteurs, avec ses titres L’Est Républicain, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Le Progrès, Le Dauphiné Libéré....
En 2013, le groupe avait arrêté le titre franc-comtois Le Pays, supprimant 30 postes, dont 19 journalistes qui avaient rejoint L’Est Républicain.
Interrogée par l’AFP, la direction n’avait pas réagi en début de soirée.
mb/fga/nm

 Il est vrai que, juridiquement, le "groupe EBRA" n'existe pas. C'est sans doute à cause de cette erreur, qu'ils ne savaient pas comment corriger, que les rédacteurs en chef des quotidiens de l'Est n'ont pas pu publier cette dépêche. Parce que sinon... je ne vois pas d'autre raison.

lundi 2 mars 2015



En attendant...

Il y a un peu plus d’un an et demi, le journal qui me fait l’honneur de m’employer m’a affecté au service « magazine » de la Rédaction. On ne m’a pas demandé mon avis, mais bon… Je me rappelle avoir expliqué au petit gars qui m’a annoncé la nouvelle que je le trouvais un peu gonflé de me muter dans un service probablement condamné à disparaître. « Mais non, ça n’arrivera pas… » Tu parles ! Aujourd’hui, nous savons que le « 7 Hebdo », ce supplément dominical auquel j’essaie d’apporter mon écot de façon à peu près correcte sous la belle signature de Marie Renaud, vit sans doute ses derniers mois, en application de la politique fixée par le Crédit Mutuel.

Restons calmes, ça ne servira à rien de s’énerver. Pour garder le moral, je me lance un pari : utiliser dans les pages de ce supplément, avant sa disparition, les quelques mots répertoriés ci-dessous. Pour l’instant, je ne vois pas trop comment je vais réussir à les caser, mais comme disait à peu près Georges Perec, la contrainte stimule la créativité !


- téléportation

- eschatologique

- anarchosyndicalisme

- pétasse ou poufiasse

- syncrétisme

- Barcelonnette

- armoricain

- autocuiseur

- prépuce

- biniou

mardi 13 janvier 2015

Je suis Charlie, je ne suis pas Cabu

Jamais je n’avais imaginé que je reviendrais à ce blog à l’occasion d’un bain de sang. D’ailleurs, je n’ai pas très envie d’ajouter ma sidération au déferlement d’éditos, commentaires, messages, discours qui se bousculent depuis une semaine, dont beaucoup disent ce que je ressens bien mieux que je n’en serais capable.

Juste un souvenir, le souvenir de la belle grande marche de dimanche dernier dans les rues de la ville. Il faisait froid, mais un brin de soleil et un temps sec nous ont aidés à piétiner, quasi immobiles, entre les places Mazelle et de la République. Heureux d’être présents, debout, sans slogans définitifs, avec un peu trop de drapeaux peut-être – mais ils étaient agités, pour une fois, avec les meilleures intentions du monde. 40 000, 45 000, 50 000 personnes ordinaires : voilà ce qui comptait, nous étions des citoyens ordinaires réunis dans la cité.

Pourtant, pendant et au lendemain de ce rassemblement, quelques amis se sont étonnés : « Pourquoi n’es-tu pas venu avec les collègues à la tête du cortège ? » J’en suis d’abord resté bouche bée. Pas un instant je n’avais pensé à cela ! Pourquoi aller se faire voir au premier rang ? Pour représenter la profession, pour incarner la liberté d’expression, pour incarner la démocratie et le droit à la vérité ?  Mais ce qui était justement merveilleux en ce 11 janvier 2015, c’était que toutes ces valeurs fussent la propriété générale de tout un peuple ! Les journalistes n’en sont, à l’occasion, que les vecteurs.

Et puis, retombons sur terre. Je ne suis qu’un petit journaliste dans un petit journal, dont l’esprit de résistance n’est pas précisément la vertu cardinale. (Depuis 6 ou 7 ans, ce qui lui restait d’originalité et d’identité se dissout lentement dans un grand magma inconsistant, dans l’indifférence générale, ce qui conforte encore plus mon humilité.) Je ne doute pas, vraiment pas de la sincérité de mes consoeurs et confrères qui ont cru bon de parader en agitant les Unes de Charlie et en assurant le monde entier de leur combat pour la République. Mais nous autres, journalistes du quotidien local, de l’hebdo départemental, de la télé régionale ou des radios plus ou moins libres, ne sommes pas du même monde que Charb, Cabu, Wolinski, Maris et les autres. Nous sommes des petits, tout petits, et nous ne devons pas en avoir de complexes, car nous pouvons être utiles à la société. Et si un jour nous risquons notre vie, ce sera plus sûrement dans un accident de voiture que face à des kalachnikovs. Au pire, nous subissons la violence verbale de quelques bas-du-front, ce qui n’est pas vraiment terrifiant.

Alors… Ne frimons pas trop, faisons notre boulot et profitons de cet instant de grâce où les lecteurs, les non-lecteurs, les écriverons et les fabricants d’images se sont anonymement et fraternellement retrouvés. Personnellement, ça me suffira, tant que, grâce à la République, des faibles d’esprit ne réussiront pas à m’interdire de lire ce que je veux lire, penser ce que je veux penser et aimer qui je veux aimer.