dimanche 23 octobre 2016

Chacun avec ses moyens...


Dans le journal qui me fait l’honneur de m'employer, l'édito d'hier – deux jours avant le début du "démantèlement" du camp de migrants de Calais. Ça fait du bien de se lâcher.


Petit courage
Parce qu’un hiver de plus serait un hiver de trop, le gouvernement va disperser aux quatre coins de la France quelque 7 000 émigrants échoués à Calais. Pour réussir ce « défi humanitaire », les ministres Cazeneuve et Cosse mobilisent régions et départements. Bravo, mais l’on sait que même si des maires courageux ont déjà pris leurs responsabilités, bien des élus locaux feront tout pour y échapper. Parfois par calcul, pour capter les bénéfices du pire populisme. Plus souvent encore par peur ou par lâcheté. Certains s’effarouchent du choc qu’ils entrevoient entre leurs administrés et leurs futurs hôtes imposés. D’autres cèdent à la panique, et rares sont ceux qui empoignent la question pour envisager avec leurs électeurs l’intérêt général.
Et si, de ce désastre, les Français faisaient une chance ? La chance de rendre à leur pays sa mission universelle d’accueil et de protection des victimes de la violence ou de la misère. La chance de rester, ou de redevenir, les fiers héritiers des Lumières...
Alors, ne revient-il pas aux citoyens de démentir les carriéristes et les poltrons ? En ne se contentant pas de jeter un regard apitoyé sur les images de la télé ou d’internet, mais en mettant la main à la pâte, pour prodiguer accueil et dignité aux proscrits. Chacun avec ses moyens. Activement. Concrètement. Comme ont su le faire les centaines de milliers d’anonymes qui, depuis Coluche, font vivre les Restos du cœur, sans faire campagne pour personne, juste pour la satisfaction de mettre un peu d’humanité dans un monde tellement frileux.
Ce petit courage-là ne serait ni de gauche ni de droite. Il ne serait pas non plus la charité ni la pitié. Il serait simplement, humblement, l’expression d’une France en paix avec elle-même. Pas une France apaisée parce qu’elle ferme les yeux, mais une France qui aurait enfin trouvé le sens du troisième terme de sa devise : fraternité.

dimanche 2 octobre 2016



« Les bourgeois messins
s'en foutent… »




« Les prémices de L’Est Républicain Lorrain ! » : tel est le titre d’un tract du syndicat de journalistes SNJ de L’Est Républicain, consacré au rapprochement éditorial en cours entre les journaux de Metz et de Nancy. Et, comme ça se trouve !, voilà que je remets la main sur les souvenirs que m’avait confiés il y a peu une ancienne collaboratrice du journal qui me fait l’honneur de m’employer :

« Ce qui me désole, (…) c'est de constater, au fil des jours, ce que notre pauvre journal est en train de devenir. Je repense aujourd'hui à un épisode que vous n'avez pas connu: notre exaltation, en 1974, après le rachat, par la famille Puhl-Demange, des actions Vilgrain. On entrait dans le capital de l'Est, on allait le mettre à genoux et les bons bourgeois nancéiens découvraient avec horreur que leur journal n'était "qu'un colosse aux pieds d'argile". Je n'ai pas inventé la formule: j'étais de ceux qui couvraient la réunion, fort animée, qui était réunie salle Mienville pour soutenir le "journal de Nancy".
Aujourd'hui, la situation est inversée. Les bourgeois messins s'en foutent car le "Répu", qui a défendu bec et ongle la ville et le département, ne représente quasiment plus rien dans le paysage économique, social et surtout culturel. »


De fait, les élus mosellans, toutes tendances confondues, se montrent parfaitement indifférents à l’avenir que le Crédit Mutuel réserve à cette entreprise, alors qu’à Nancy, l’ancien maire proclamait en public, dès 2007 si ma mémoire ne me trompe pas, qu’un seul journal en Lorraine serait bienvenu. Un seul journal, c'est tellement plus simple! L’Est Républicain Lorrain…

jeudi 29 septembre 2016

Une petite digression pour penser à autre chose...

Une prof de français dont je suis très proche, et même très très proche, a relevé, dans un livre scolaire, cette préconisation issue de la réforme de l’orthographe : on ne devrait plus écrire « un compte-gouttes », mais « un compte-goutte », et réserver le s au pluriel : « des compte-gouttes ». Et ça, ça m’agace. Lorsqu’on utilise un compte-gouttes, c’est qu’on a plusieurs gouttes à compter, en principe. Plusieurs, donc avec un s. Avec la nouvelle orthographe, dès que le toubib vous a prescrit quinze gouttes de bonne médecine, vous devez utiliser quinze compte-gouttes. C’est d’un pratique !
L’orthographe et le sens, ça devrait pouvoir marcher ensemble, non ? Certes, dans ce domaine, l’ancienne orthographe n’est pas exempte de bizarreries. On écrit « un cure-dent » et non « un cure-dents », alors qu’on n’utilise guère cet ustensile que lorsqu’on possède plusieurs dents, me semble-t-il. Mais ce n’est pas parce que de vieux usages ont consacré des absurdités que la réforme devait en créer de nouvelles. Voilà, c’est mon petit grognement du jour. Que je ne délivre qu’au compte-gouttes, bien sûr (avec un circonflexe). Là-dessus, ma prof de français préférée m'attend pour l'apéro. Bon, d'accord, mais juste une goutte !

mardi 19 juillet 2016

 L'édito du jour dans le journal qui me fait l'honneur de m'employer... Je suis surpris par le nombre des réactions positives que je reçois ce matin. C'est rare !

 

L’autre crime

A qui profite le crime ? Les sifflets lancés à Nice contre le chef du gouvernement et ses ministres, avant et après la minute de silence, constituent bien un crime contre la nation, qui ajoute la honte à l’atrocité du massacre du 14 juillet. Ce ne sont pas Manuel Valls et Marisol Touraine qui sont flétris par ces insultes. Elles détruisent d’abord ce dont nous étions légitimement fiers aux lendemains des attaques de janvier et de novembre 2015 : notre capacité à faire face aux agresseurs et à nous rassembler autour des victimes, au-delà de nos différends, ce qui n’interdit pas le débat démocratique après le temps du deuil.
Les huées entendues sur la Promenade des Anglais ne sont pas, comme on voudrait le croire, l’expression d’une saine colère contre l’impuissance de l’Etat. Elles sont la négation de l’unité de la République, un appel à la division et à la haine. Les terroristes et leurs commanditaires n’en attendent pas moins !
A qui profite le crime ? A ceux qui, quelques heures à peine après le drame, ont misé sur le désarroi des Français pour vendre leur soupe ? Par charité, on oubliera à jamais le nom de ce député qui, dès le 15 juillet, exigeait d’équiper les forces de l’ordre de lance-roquettes. A ce niveau d’absurdité, la tentative de manipulation de l’opinion trahit un tel mépris de l’intelligence du peuple... D’autres ont apporté un peu plus de finesse dans leur critique de l’action antiterroriste du gouvernement, qui, sans doute, doit, pour être efficace, être constamment contrôlée et réorientée. Mais les diatribes des donneurs de leçons, lancées dans une précipitation grossière, expriment tant de mauvaise foi et d’arrière-pensées qu’elles en deviennent inaudibles. Quand les siffleurs de Nice, encore atterrés par l’horreur, auront repris leurs esprits, le crime pourrait se retourner contre les démagogues qui les ont excités.

samedi 2 juillet 2016

Je suis... ailleurs

« Je suis Paris », « Je suis Bruxelles »… Mais on n’a pas beaucoup vu fleurir « Je suis Istanbul ». Encore moins « Je suis Djakana », ce village du nord du Cameroun où Boko Haram vient d’ajouter onze morts aux 20 000 victimes dont il serait responsable depuis 2009. « Je » n’est pas non plus Kaboul, qui pleure vingt-sept jeunes policiers assassinés.
Le sang versé dans les contrées lointaines serait-il moins coté que les vies fauchées dans les capitales d’Europe ? La maire de Paris a secoué notre mortelle indifférence en faisant illuminer la tour Eiffel aux couleurs de la Turquie, rappelant que le fanatisme « doit nous trouver unis et sûrs de nos valeurs, face à ceux qui n’en ont aucune ». L’initiative n’a soulevé un enthousiasme délirant ni dans le monde politique ni dans la blogosphère paralysée par la réputation du gouvernement d’Ankara – comme si le césarisme d’Erdogan pouvait légitimer la violence contre ceux qui n’en peuvent mais.
Et le Cameroun… Quoi, le Cameroun ? D’accord, on se désole pour cet Etat dont les frontières septentrionales sont dévastées par les attaques d’illuminés obsédés par les femmes, l’alcool et les mécréants. Mais il est si loin, ce pays où pourtant l’on parle français et où le groupe Bolloré fait travailler 7 000 personnes ! Quant à l’Afghanistan, n’en parlons même pas, nous avons bien trop de mauvais souvenirs du bourbier dans lequel se sont enferrées les armées occidentales.
Passons vite. L’exode vers (peut-être) le soleil commence ce week-end. Les terroristes sont priés de continuer à massacrer ailleurs, pour nous laisser terminer dans la joie l’Euro et le vote de la loi Travail, et lancer de même le Tour sur les routes de France. Mortelle indifférence... Sommes-nous si fatigués qu’il ne nous est plus possible de partager la douleur ?
Bernard MAILLARD.
 (Editorial du Républicain Lorrain du 1er juillet 2016.)

Sur les Britanniques et l'Europe


Finalement, je n'ai rien à retirer à cet éditorial du Républicain Lorrain du 16 avril.

Malentendu

Qui a peur du Brexit ? Les grands argentiers, les banquiers, les multinationales. Il paraît que l’autre jeudi, pendant le sommet franco-allemand de Metz, Angela Merkel et François Hollande ont préparé la mobilisation de la Banque centrale afin de prévenir les effets d’une chute de la livre sterling, au cas où les Britanniques décideraient d’ériger une digue entre Douvres et Calais. De son côté, Christine Lagarde, au nom du Fonds monétaire international, évoque « un risque sérieux pour la croissance mondiale ».

Que le Royaume-Uni, dont le taux de croissance s’est chiffré à 2,5 % l’an dernier, joue avec les nerfs des financiers n’est pas très nouveau. En 1973 déjà, il considérait que son adhésion à la CEE, d’où naquit plus tard l’Union européenne, n’était qu’un outil économique et n’avait rien d’un grand dessein politique. Quarante-trois ans plus tard, l’état d’esprit n’a guère changé. Outre-Manche, beaucoup voient toujours l’Union comme un engin supranational dont on peut se séparer dès qu’il n’est plus rentable. Quitte à lancer un fallacieux signal aux eurosceptiques polonais, néerlandais ou autrichiens, qui n’ont pas, eux, le filet de sécurité qu’apportent les marchés du Commonwealth.

On pourrait brocarder les Anglais sur leur peu de sens de la solidarité, si l’on n’avait le souvenir de leur furieuse détermination lorsque la peste brune menaçait le monde. En vérité, le problème est autant européen que britannique. Entre Londres, Paris, Bruxelles et Berlin, le ménage s’est établi sur un malentendu fondamental, les uns vivant comme une invasion napoléonienne ce que les autres promettaient comme une association pour la prospérité. Et les dix prochaines semaines de campagne référendaire paraissent bien courtes pour réécrire l’histoire.

Bernard MAILLARD.