Nous étions quatre millions sur les places de France, le 11 janvier
2015, abasourdis et révoltés, pour signifier aux assassins de Charlie Hebdo
et de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes qu’ils ne gagneraient
jamais. Nous ignorions que dix mois plus tard, l’horreur se
renouvellerait, dans les rues de Paris et les travées du Bataclan. Et
qu’un prêtre serait assassiné dans son église, que la promenade des
Anglais deviendrait un lieu de cauchemar ou que le sang coulerait encore
à Carcassonne ou à Trèbes. Nous étions quatre millions au coude à
coude, unis dans la douleur et dans l’amour de la République.
Vivrons-nous
aujourd’hui un mardi ordinaire ? Cela ne se peut pas. Pour Marie,
Mathias, Anne, Milko, Thomas, Salah, Justine et tous les autres,
massacrés ou marqués dans leur chair le 13 novembre 2015, pour les
sauveteurs et les policiers traumatisés à vie, pour nos libertés que des
fanatiques voulurent nous contraindre à abandonner, nous avons le
devoir de nous souvenir. Et de rester unis, forts et lucides face à la
menace toujours rampante.
L’État islamique et Daech, nous dit-on,
ont perdu leurs forces sur les champs de bataille d’Irak et de Syrie.
L’état d’urgence a été levé, au prix d’un renforcement permanent des
pouvoirs de la police et de l’administration. Car si l’on ne craint plus
trop les commandos pilotés depuis Mossoul ou Raqqa, les services de
renseignement mettent en garde contre les initiatives des
« radicalisés » de tout poil, sortant de prison ou rongeant leur frein
devant les écrans d’internet. Il n’est pas nécessaire de disposer d’une
puissante infrastructure pour se suicider au milieu d’une foule.
Rester
unis, forts et lucides sans cesser de défendre les libertés publiques,
sans céder à la démagogie. Nous le devons à Anne, Mathias, Marie, Milko,
devenus pour toujours nos frères, nos sœurs, nos enfants.
(Le Républicain Lorrain, 13 novembre 2018.)