mercredi 13 janvier 2010

Faut pas croire tout ce qui est dans les journaux...

Cet articulet, dans «Le Canard enchaîné» d'aujourd'hui, mérite de passer à la postérité. Ah, ces journalistes, ils voient le mal partout! Et en plus, ils ne connaissent même pas leur sujet: le périmètre du groupe de presse dont il est question est bien plus large que ce qu'en dit «Le Canard»...
«La direction du Crédit mutuel, banque coopérative et premier éditeur de presse régionale, propriétaire de journaux comme « Le Progrès », « Le Dauphiné libéré » ou « L'Alsace », a la rancune tenace.Le 6 mai dernier, un article des « Echos » couronnait Michel Lucas, directeur général du Crédit mutuel, « dirigeant de banque le mieux payé de France». Petite erreur. Le quotidien économique s'était un peu emmêlé la calculette, gratifiant le patron de 1 305 008 euros annuels alors que le pauvret n'émargeait qu'à 1 105 008 euros. « Les Echos» publient donc un rectificatif dès le lendemain. Fin de l'histoire? Non.Au pied, « Les Echos» ! Au piquet, le journal qui ose dévoiler le salaire d'un dirigeant, et avec une erreur, en plus! On va voir qui commande ici. En représailles, la banque a décidé de résilier ses 1 200 abonnements au quotidien économique, soit près de 2 % de ses abonnés. Et le Crédit mutuel-CIC, premier annonceur du journal, lui a brusquement retiré sa publicité.Au Crédit mutuel-CIC, pas de commentaires, à part cette boutade : « Même si vous me passez sur le corps, je ne dirai rien. » A la direction des « Echos », idem. Le journal ne souhaite pas rendre publique une affaire privée.Racheter des journaux en grande difficulté d'une main, punir un titre en le fragilisant de l'autre, les petits journalistes vont apprendre à connaître « la banque à qui parler» ...
S. Ch. »

dimanche 10 janvier 2010

C'est où, l'Afrique?

Depuis deux jours, le mitraillage du bus des footballeurs togolais dans l'enclave de Cabinda fait couler beaucoup d'encre. Essentiellement dans les pages sportives de nos quotidiens, y compris celui pour lequel j'ai l'honneur de travailler.

Dans les pages sportives. C'est-à-dire que l'on considère d'abord les conséquences de cette affaire sur le déroulement de la CAN, la Coupe d'Afrique des Nations. Certes, les synthèses reproduites dans nos journaux consacrent un ou deux paragraphes à donner un aperçu des raisons du drame, en évoquant en quelques phrases le conflit entre le front de libération de l'enclave et l'Angola. Mais comme on est bien dans les pages «sports», on passe vite à l'essentiel: la CAN, le foot, les joueurs...

Ne pourrait-on pas cependant s'interroger sur la nature de ce fait divers exceptionnel? L'important, pour les lecteurs français, ne pourrait-il pas être d'être informés sur ce que cet acte de guerre révèle de l'état de l'Afrique, de l'usage du terrorisme, de l'impuissance des organisations internationales à contrôler les tensions?

Quand en 1972, un commando palestinien prit en otages des athlètes israéliens, transformant les Jeux olympiques de Munich en annexe du champ de bataille, personne n'a tenté de circonscrire l'événement au domaine des sports! Pourquoi en va-t-il autrement aujourd'hui? «Normal, quand on pense à tout l'argent qui est en jeu», m'a soufflé à la table du petit déjeuner la femme de ma vie. D'ailleurs, je lis que pour le président de la FIFA, tout cela n'est qu'«incidents».

Sans doute... Peut-être bien aussi qu'en ne sortant pas cette info et ses développements du champ de la vie sportive, on se résigne plus ou moins inconsciemment à limiter notre vision du monde à des choses simples. Là-bas l'Afrique, ici l'Hexagone où, figurez-vous, il neige en janvier. Ah, si jamais la fusillade de vendredi met en cause la sécurité de la coupe du monde de football, je suis prêt à parier qu'on en trouvera des tartines dans les pages «Monde» ou «Informations générales» des journaux. En attendant, les Africains peuvent bien continuer à s'entre-tuer; on ne parlera guère de leurs raisons, bonnes ou mauvaises, parce que l'essentiel reste d'informer sur la compétition sportive. Panem et circenses!



mardi 5 janvier 2010

Good Morning !

La fille de Johnny a été victime d'un «étrange malaise»; c'est à la Une des journaux d'aujourd'hui. Cette famille est formidable! Tant qu'on fait battre vos délicats petits cœurs avec sa brûlante actualité, on ne vous gâche pas la journée avec des histoires de paysans tués dans les fossés du Paris-Dakar sud-américain ou de smicards éblouis par la remontée du CAC 40. Merci, les Smet!

Scoop: demain, sur la table du petit déjeuner, des nouvelles bouleversantes du poisson rouge de Laeticia.

dimanche 3 janvier 2010

Objectivement...

Finie la trêve des confiseurs, passée la p'tite grippe du Nouvel An (même pas H1N1, je rate tout dans ma vie); il est temps de revenir aux choses sérieuses. A Hervé, par exemple, qui commente le billet précédent en écrivant: «Un journaliste se doit d'être objectif.»
Waoooouh! Pile poil le truc qui fait hurler de rire dès la première année d'école de journalisme, avec la réponse tarte à la crème: «L'objectivité n'existe pas; ce qui prévaut, c'est l'honnêteté.» Ne vous vexez pas, cher Hervé, mais c'est une évidence. Rendre compte honnêtement de ce qu'on a vu, entendu et compris, c'est le B-A BA du journalisme, qui se combine avec le principe de vérification. Au-delà, quiconque prétend détenir la vérité absolue est, au mieux, un naïf, au pire un escroc.
Mais on peut aller plus loin sur ce sujet, en s'interrogeant sur l'opportunité de tendre vers l'objectivité. A supposer qu'on puisse l'être, quel intérêt aurait-on à être strictement objectif dans la relation des faits? Plutôt qu'un long raisonnement théorique, je vais tenter un exemple. Soit un journaliste qui consacre un papier à l'actualité sociale. Il va objectivement noter que dans telle entreprise, dès la première séance de négociation salariale obligatoire, le patron a annoncé sa décision de ne pas augmenter les salaires en 2009. Et s'il tient à l'objectivité absolue, notre journaliste en restera là. Il aura dit les faits, bruts, incontestables.
Mais livrée telle quelle, l'info n'apporte pas grand chose au lecteur. S'il veut l'éclairer sur le contexte, le journaliste sera bien obligé de préciser que le directeur général du groupe actionnaire de l'entreprise en question a touché en 2008 un salaire brut de 1 105 000 euros. Il citera au passage ses sources (Le Canard enchaîné et Les Échos, qui n'ont pas été démentis). Dès lors, certes, il sort des rails de l'objectivité. Mais son info devient intelligible.
Objectivement, il n'aurait pas rempli sa mission s'il s'en était tenu à l'objectivité. Il a choisi un point de vue subjectif, il aurait pu en utiliser un autre. C'est en cela que réside la valeur ajoutée du journaliste. Quant à l'exemple utilisé plus haut, s'il se trouvait correspondre à la réalité d'une entreprise de presse quelconque, ce serait une sacrée coïncidence; rien à voir avec un choix subjectif de ma part, évidemment !
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On peut aussi voir sur ce sujet l'opinion de Manu : http://blogs.myspace.com/index.cfm?fuseaction=blog.view&friendId=340607187&blogId=523421431


Rendez-vous

Pour sacrifier à la tradition des étrennes, je vous offre, pour 2010, cinq petits vers d'André Hardellet. Rien de plus, rien de moins ; et je crois que ça n'est pas rien.

On se r'verra
Au clair de lune
Dans trois mille ans
Chacun chacune
Tout en os blancs.