lundi 5 février 2024

 

MODESTE CONTRIBUTION

POUR UNE IMPROBABLE ORAISON FUNÈBRE


Un long article dans le journal local nous apprend, le 3 février, le décès de Pierre Raffin, « homme de Dieu » de son métier et, entre le XXe et le XXIe siècles, évêque de Metz durant 26 ans. Avec délicatesse, on nous révèle que « son esprit d'ouverture avait aussi ses limites ». On peut dire ça comme ça... Bien avant les « réseaux sociaux » par lesquels le journal semble avoir appris les colères de Monseigneur contre l'avortement et le mariage pour tous, somme toute incluses dans la fiche de poste des curés, le bon M. Raffin avait, dès les années quatre-vingt, largement fixé les « limites ». Les vieux cathos mosellans se rappellent avec amertume ses premières mesures : suppression des cérémonies pénitentielles pour en revenir aux confessions individuelles, rejet de l’œcuménisme défendu notamment par l’écrivain Roger Bichelberger et le mouvement « Croyants en liberté », reprise en main des mouvements scouts... Etc. ! Manifestement, Pierre Raffin avait reçu la mission de rétablir l'ordre dans le diocèse, après le fructueux et joyeux ministère de son prédécesseur Paul-Joseph Schmitt. Le nouvel évêque, appuyé, dit-on, par le très orthodoxe cardinal Lustiger, n'était pas du genre à courir sur le terrain aux côtés des ouvriers en lutte du côté de Longwy !

Tout cela, me dira-t-on, est de peu d'importance puisque cela ne concerne que les cathos entre eux, qui ont bien le droit de se disputer sur le sexe des anges tant qu'ils fichent la paix au monde à l'entour. Mais en Moselle, l’Église catholique pèse encore lourdement sur la vie publique, et bien plus encore à la fin du XXe siècle qu'aujourd'hui. On vit un jour la propre sœur de l’évêque prendre place à la table du conseil municipal, avec la bénédiction du maire Jean-Marie Rausch. Et la toute première action du jeune évêque Raffin consista à interdire les fécondations in vitro à l'hôpital Sainte-Croix – un hôpital participant au service public de santé mais contrôlé par une congrégation religieuse.

Se souviendra-t-on, ce jeudi lors des obsèques solennelles de Monseigneur dans sa cathédrale, de son « esprit d'ouverture » si particulier ? Le maire actuel, qui ne manquera pas de participer à ce rituel, les croyants et les bénis oui-oui prieront-ils pour tous les couples privés d'enfants par le fanatisme du défunt ? Ite, missa est !

vendredi 19 janvier 2024

LA COMÉDIE MESSINE



Ancien maire de Metz, Jean-Marie Rausch est mort le 4 janvier 2024. Comme il n'y a pas de raison que je sois le seul à ne pas verser une larme de crocodile après que cet archétype du notable provincial a passé l'arme à gauche - à gauche, mais oui, ça a dû lui faire de l'effet ! -,  je vous offre ma petite contribution historico-rigolarde. Promenons-nous dans la ville, entre la rue Serpenoise et la rue des Clercs. Passage Marguerite-Puhl-Demange, là où la famille du fondateur du journal local possédait de juteuses propriétés immobilières.

Levons les yeux, observons les fresques en céramique qui n'en finissent plus de se ternir juste sous les fenêtres des actuels et discrets bureaux du journal. Et lisons ce livre d’images réalisé en 1986 par le peintre messin Pierre Koppe (1931-2016)... En huit panneaux, voilà une fresque balzacienne de la bourgeoisie messine de la fin du XXe siècle, plus vraie que nature. Regardez bien : vous allez découvrir là le conseil municipal derrière son maire, drapé de bleu-blanc-rouge ; un peu plus haut, sous l'ancien rond rouge RL, mais oui !, ce sont nos bons maîtres, Claude et Marguerite, qui règnent sur leur petit royaume. Et, là... Retrouvez les rotatives du journal, celles-là mêmes que le Crédit Mutuel a envoyées à la casse après que Claude Puhl a lâché l'affaire pour une (somptueuse) poignée de dollars. Et dans un autre coin, oui, c'est bien monseigneur l'évêque que l'on repère...

Cherchez encore, vous retrouverez les gros commerçants, peut-être un président de club de foot, les notables ventrus et satisfaits, et tout ce petit monde ravi de se trouver ainsi immortalisé au cœur de son marigot. J'ai toujours été fasciné par cette auto-célébration dont je ne peux pas croire que l'artiste l'ait réalisée sans une certaine dérision. Tous ces braves gens se retrouvent aujourd'hui, sans leurs valets et sans leurs coffres-forts, à goûter les pissenlits par la racine... et leurs œuvres voguent déjà vers l'oubli.