Monsieur le rédacteur en chef du
journal local,
De passage hier vers 13 heures au
centre de la ville, j'ai vu un attroupement de plusieurs dizaines
d'individus ruisselant de pluie devant l'entrée de l'agence d'une
grande banque plus ou moins strasbourgeoise. Ces femmes et ces hommes
qui distribuaient des feuilles de papier imprimées aux passants ne
m'ont pas semblé hostiles, agressifs ou je-ne-sais -quoi. J'aurais
bien aimé savoir ce qui les rassemblait ainsi dans le vent ;
toutefois, le mauvais temps m'a découragé de les rejoindre pour les
interroger. « Bah !, me suis-je dit, je verrai ça demain
dans mon journal local ».
Ce matin, me voici bien déçu. Mon
journal local, qui m'est distribué à 6 h 30 pétantes presque tous
les jours par une porteuse héroïque, ne me dit rien sur ce
rassemblement insolite en plein centre de la ville à une heure de
grand passage. Sans doute n'en avez-vous pas été informé, car
dans le cas contraire je suis certain que vous auriez exigé de vos
journalistes qu’ils en rendent compte et satisfassent la curiosité
légitime qui nous pousse à renouveler chaque année notre
abonnement à votre publication. Il paraît que vous avez expliqué,
lorsque vous avez été nommé rédacteur en chef du journal local,
que vous vouliez en faire « le journal du coin de la rue » ;
et même, on m'a rapporté que votre propre patron proclame « local
is the new cool » (en utilisant un idiome supposé le
rapprocher des vraies gens, je suppose). Si vous voulez savoir d'où
je tiens cela, demandez à votre collègue Jalabert, il connaît
toutes les sources.
Bref, cet oubli ne peut qu'être une erreur, tant
vous êtes attaché à une information locale exacte et complète. Je
sais bien qu'on ne peut pas être partout, mais personne ne doute que
vous allez rattraper en vitesse ce ratage accidentel, forcément
accidentel.
Bien à vous,