« Du côté des puissants »
« On nous connait de vue. Le localier est un accessoire familier du paysage social. Lorsqu’ils nous voient passer dans la rue avec notre appareil, les gens disent : « Tiens, le journaliste de La Gazette ! Il doit y avoir un accident quelque part. »
Accident ou cérémonie. Ils nous voient prendre des photos dans toutes les manifestations – et s’imaginent sans doute que nous les dédaignons, car nous allons directement saluer les responsables, les membres du bureau, les ordonnateurs de la manifestation. Les « importants » de Tulle. Eux, ils sont dans la salle. Comment comprendraient-ils que nous faisons notre métier, que les « importants » nous renseignent ? Comment sauraient-ils que nous nous moquons souvent des « importants » en aparté, et que nous ne sommes pas loin de considérer toute personne qui « s’occupe de quelque chose » comme une sorte de malade ?
A leurs yeux, nous avons passé la barrière, du côté des puissants et de leur faire-valoir. Il est vrai que nous contribuons au fonctionnement d’un « système » : une chronique locale, en gros, c’est l’histoire au jour le jour d’une cinquantaine de notables – les péripéties de leur succession dans le temps, leurs propos, leurs conflits, les rites grâce auxquels ils perpétuent leur emprise. La plupart des localiers s’y laissent piéger. Pas tous. »
Notable
« Dans une petite ville, le localier est impliqué partout et à tout niveau. Il faut jouer le jeu. (…) Un localier devrait changer toujours d’exil. S’il s’enracine, il devient un notable. Dans cette hypothèse – la plus fréquente –, il se trahit : on ne saurait être à la fois chasseur et gibier. »
Denis Tillinac
Spleen en Corrèze
(éd. Robert Laffont)
Spleen en Corrèze
(éd. Robert Laffont)
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