dimanche 10 janvier 2010

C'est où, l'Afrique?

Depuis deux jours, le mitraillage du bus des footballeurs togolais dans l'enclave de Cabinda fait couler beaucoup d'encre. Essentiellement dans les pages sportives de nos quotidiens, y compris celui pour lequel j'ai l'honneur de travailler.

Dans les pages sportives. C'est-à-dire que l'on considère d'abord les conséquences de cette affaire sur le déroulement de la CAN, la Coupe d'Afrique des Nations. Certes, les synthèses reproduites dans nos journaux consacrent un ou deux paragraphes à donner un aperçu des raisons du drame, en évoquant en quelques phrases le conflit entre le front de libération de l'enclave et l'Angola. Mais comme on est bien dans les pages «sports», on passe vite à l'essentiel: la CAN, le foot, les joueurs...

Ne pourrait-on pas cependant s'interroger sur la nature de ce fait divers exceptionnel? L'important, pour les lecteurs français, ne pourrait-il pas être d'être informés sur ce que cet acte de guerre révèle de l'état de l'Afrique, de l'usage du terrorisme, de l'impuissance des organisations internationales à contrôler les tensions?

Quand en 1972, un commando palestinien prit en otages des athlètes israéliens, transformant les Jeux olympiques de Munich en annexe du champ de bataille, personne n'a tenté de circonscrire l'événement au domaine des sports! Pourquoi en va-t-il autrement aujourd'hui? «Normal, quand on pense à tout l'argent qui est en jeu», m'a soufflé à la table du petit déjeuner la femme de ma vie. D'ailleurs, je lis que pour le président de la FIFA, tout cela n'est qu'«incidents».

Sans doute... Peut-être bien aussi qu'en ne sortant pas cette info et ses développements du champ de la vie sportive, on se résigne plus ou moins inconsciemment à limiter notre vision du monde à des choses simples. Là-bas l'Afrique, ici l'Hexagone où, figurez-vous, il neige en janvier. Ah, si jamais la fusillade de vendredi met en cause la sécurité de la coupe du monde de football, je suis prêt à parier qu'on en trouvera des tartines dans les pages «Monde» ou «Informations générales» des journaux. En attendant, les Africains peuvent bien continuer à s'entre-tuer; on ne parlera guère de leurs raisons, bonnes ou mauvaises, parce que l'essentiel reste d'informer sur la compétition sportive. Panem et circenses!



1 commentaire:

  1. Ceci met en lumière un point important du métier de journaliste et le poids des médias: hiérarchiser et mettre la lumière sur ce qui semble important ... on peut effectivement en débattre et être dubitatif parfois

    RépondreSupprimer