dimanche 3 janvier 2010

Objectivement...

Finie la trêve des confiseurs, passée la p'tite grippe du Nouvel An (même pas H1N1, je rate tout dans ma vie); il est temps de revenir aux choses sérieuses. A Hervé, par exemple, qui commente le billet précédent en écrivant: «Un journaliste se doit d'être objectif.»
Waoooouh! Pile poil le truc qui fait hurler de rire dès la première année d'école de journalisme, avec la réponse tarte à la crème: «L'objectivité n'existe pas; ce qui prévaut, c'est l'honnêteté.» Ne vous vexez pas, cher Hervé, mais c'est une évidence. Rendre compte honnêtement de ce qu'on a vu, entendu et compris, c'est le B-A BA du journalisme, qui se combine avec le principe de vérification. Au-delà, quiconque prétend détenir la vérité absolue est, au mieux, un naïf, au pire un escroc.
Mais on peut aller plus loin sur ce sujet, en s'interrogeant sur l'opportunité de tendre vers l'objectivité. A supposer qu'on puisse l'être, quel intérêt aurait-on à être strictement objectif dans la relation des faits? Plutôt qu'un long raisonnement théorique, je vais tenter un exemple. Soit un journaliste qui consacre un papier à l'actualité sociale. Il va objectivement noter que dans telle entreprise, dès la première séance de négociation salariale obligatoire, le patron a annoncé sa décision de ne pas augmenter les salaires en 2009. Et s'il tient à l'objectivité absolue, notre journaliste en restera là. Il aura dit les faits, bruts, incontestables.
Mais livrée telle quelle, l'info n'apporte pas grand chose au lecteur. S'il veut l'éclairer sur le contexte, le journaliste sera bien obligé de préciser que le directeur général du groupe actionnaire de l'entreprise en question a touché en 2008 un salaire brut de 1 105 000 euros. Il citera au passage ses sources (Le Canard enchaîné et Les Échos, qui n'ont pas été démentis). Dès lors, certes, il sort des rails de l'objectivité. Mais son info devient intelligible.
Objectivement, il n'aurait pas rempli sa mission s'il s'en était tenu à l'objectivité. Il a choisi un point de vue subjectif, il aurait pu en utiliser un autre. C'est en cela que réside la valeur ajoutée du journaliste. Quant à l'exemple utilisé plus haut, s'il se trouvait correspondre à la réalité d'une entreprise de presse quelconque, ce serait une sacrée coïncidence; rien à voir avec un choix subjectif de ma part, évidemment !
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On peut aussi voir sur ce sujet l'opinion de Manu : http://blogs.myspace.com/index.cfm?fuseaction=blog.view&friendId=340607187&blogId=523421431


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