jeudi 17 février 2011

J'aimerais bien faire grève, mais j'ose pas!

A l'appel d'une large intersyndicale (CFDT, CFTC, CGC, CGT, FO, SNJ), un mouvement de grève national est annoncé pour ce vendredi 18 février dans l'ensemble de la presse quotidienne régionale. Réponses à quelques questions entendues ces jours-ci de la part de mes collègues.

C’est quoi, cette grève ?
Un mouvement national, déclenché par l’ensemble des syndicats de la presse quotidienne régionale, avec l’ambition de provoquer le plus possible de non-parutions de journaux régionaux samedi. L’intersyndicale négocie depuis des semaines avec le syndicat patronal de la presse quotidienne régionale, le SPQR, pour un accord salarial plus que modeste : il ne s’agit que d’obtenir des augmentations salariales équivalentes à l’inflation. Le SPQR ferme toutes les portes… Après plusieurs tentatives de renouer le contact, l’intersyndicale n’a plus que le moyen d’une grève nationale pour se faire entendre.
Au Républicain Lorrain, on n’est pas trop concerné.
Faux ! Le RL, comme tous les autres journaux dépendant du Crédit Mutuel, est toujours tenu d’appliquer au moins les accords de branche signés par le SPQR.
Oui, mais on n’est pas si mal payés…
Primo, tout le monde n’est pas à la même enseigne dans l’entreprise. Il n’y a pas eu de révision significative et collective des salaires depuis l’arrivée de la nouvelle direction, et la plupart des salariés embauchés depuis quatre ou cinq ans (voire plus ?)  stagnent au bas de l’échelle. Deuxio, la négociation actuelle engage l’avenir : si les syndicats n’arrivent pas à imposer un seuil décent, le précédent sera reconduit dans les années à venir.
Je ferais bien la grève, mais j’ai peur d’être tout seul (dans mon équipe, dans mon agence), et donc d’être mal vu-e-.
Si tout le monde attend que les autres se décident, évidemment, on n’avancera jamais. Si je suis tout seul, je peux toujours discuter avec mes collègues pour qu’ils me rejoignent… En tout cas, tout le monde a le droit de se mettre en grève, sans risquer de sanction. Si un supérieur hiérarchique tente de faire pression pour que vous ne vous mettiez pas en grève, n’hésitez pas à prévenir un représentant syndical.
J’aime mon entreprise, et ça m’embête de lui causer du tort.
Moi aussi ! Ce n’est jamais de gaité de cœur qu’on se met en grève. Mais un petit mal peut entraîner un grand bien : en rappelant que les salariés ont la capacité de s’exprimer, on prépare l’avenir. Il faut savoir que le dialogue social au RL  s’est fortement dégradé, et il est donc dans l’intérêt de tous de montrer que nous sommes encore capables de nous mobiliser.
Je suis journaliste ou employé-e- ; si les rotativistes bloquent la machine, il n’y aura pas de parution et ce n’est donc pas la peine que je fasse grève.
C’est le plus mauvais des raisonnements ! Sauf si ça ne vous gêne pas que ce soient toujours les autres qui fassent le boulot pour vous. Question d’amour-propre !
Merci Bernard, tu m’as convaincu-e-. Que dois-je faire ?
Formellement, rien, juste rester à la maison ou aller à la pêche ce vendredi. Mais comme on n’est pas des sauvages,  il est correct d’avertir son supérieur hiérarchique, ne serait-ce que par un coup de fil ou un mail…


5 commentaires:

  1. mon bernard.... tout ceci, est-ce bien raisonnable ?

    RépondreSupprimer
  2. Et une grève pour le pluralisme dans la presse de province, c'est pour quand ?
    C'est un sujet autrement plus important que le porte-feuille de salariés déjà pas si mal considérés non ?

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour,

    C'est bien d'aimer son entreprise, mais crois-tu qu'elle te le rend bien ? Tu es journaliste, donc ton indépendance est en jeu.

    Ne pas faire grève en justifiant uniquement par un "j'ose pas" je trouve ça vraiment déplacé, et va dans le sens d'un discrédit général des journalistes en France qui ne sont plus indépendants, les groupes financiers qui de plus en plus s'emparent des quotidiens n'ont qu'un seul but : te presser un max, baisser les coûts, mettre ton travail journalistique dans les mains de bénévoles bloggés (ou pas) révélant par la-même une non-considération pour la qualité de ton travail. Où est passée l'éthique ?

    Si la diffusion de la presse quotidienne baisse de façon constante, tu en es le principal responsable en tant que journaliste... ça j'en suis intimement persuadé. Parce que tu as laissé faire des transferts de métiers qui viennent dégrader le tien.

    Pourquoi acheter un journal aseptisé, sans saveur, où les dépêches AFP/Reuters sont là pour formater l'information et où avant même la lecture, on sait qu'on ne saura rien de plus qu'en lisant sur l'internet...

    Au delà des jalousies des uns et de autres sur les salaires, effectivement ce mouvement national lancé par toutes les organisations syndicales des entreprises (y compris le SNJ) montre quoi, à part le mépris des dirigeants envers leurs salariés qu'ils estiment "trop payés" ?

    Le droit de grève est républicain. Tu as le droit d'en user mais pas d'en abuser. Si tu as peur de faire grève sous peine d'être mal vu, c'est justement qu'il y a déjà des raisons de ne pas aimer ton entreprise. Ce qui fait la qualité d'une entreprise de presse, c'est l'indépendance totale des journalistes.

    En faisant grève tu défends le droit au respect, que ton salaire ne parte pas en lambeau au gré de l'inflation, mais peut-être as-tu une solution personnelle pour augmenter plus personnellement ton salaire? Tout ce qui n'est pas transparent, rend suspicieux. Le discrédit l'emporte dans tous les cas.

    Moi aussi j'aime mon entreprise et je m'y investit. Je n'attends pas des autres pour prendre mes responsabilités.

    La Société française devient ce que chacun en fait, personnellement.

    A l'heure où beaucoup de pays basculent dans la démocratie je trouve que c'est l'inverse qui se produit chez nous. Il est grand temps que chacun se réveille.

    bon vent ;-)

    RépondreSupprimer
  4. "Tu es journaliste, donc ton indépendance est en jeu."
    Quelle jolie phrase !
    Le journalisme a disparu depuis bien longtemps.
    Mais peut-être est-il sur les rails de la renaissance ?
    Amis journalistes, avec qui je travaille depuis bien longtemps, réveillez-vous, et ressortez de vos placards la feuille de choux qui avait pour titre "J'ACCUSE"

    RépondreSupprimer