dimanche 15 mai 2011

«Avons-nous perdu la raison ?»



Je ne vous en ai rien dit plus tôt pour ne pas vous désespérer, mais il faut que je l'avoue: je suis très en colère. Contre la CFDT, c'est-à-dire ma famille, qui plus est.

Pour qui l'ignorerait, les gouvernements de gauche et de droite qui se sont succédé en France depuis 1981 ont conçu le projet de se débarrasser des déchets de l'énergie nucléaire en les enterrant. Un peu comme on glisse la poussière sous le tapis, sauf que dans ce cas, les déchets en question resteront dangereux pour les êtres vivants durant des milliers, voire des millions d'années. Donc, on en enfouit les mortels résidus de la société de consommation entre deux couches de grès ou de granit, peu importe, on met devant la porte une grosse pancarte: "Achtung, défense de labourer", et on laisse le tout à nos enfants et à leur descendance pour les siècles des siècles. Amen.







"Philosophie Magazine", mai 2011



Même si l'on n'est pas religieusement écolo, on comprend très vite que dans 400, 1 000 ou 100 000 ans, personne ne se souviendra de la nature de la bombe qui est enterrée là. Déjà qu'on se demande ce que signifiaient les menhirs, comme le rappelle le dernier et excellent numéro de Philosophie magazine...

Bon, et qu'est-ce que la CFDT vient faire là-dedans? Eh bien, il se trouve que le site qui sera très probablement retenu pour créer cette poubelle se trouve à la limite entre la Lorraine et la Champagne, à Bure. Retenez bien ce nom: Bure, future capitale de la folie humaine, radioactive pour des perspectives auprès desquelles Hiroshima, Tchernobyl et Fukushima ne seront que des scories de l'Histoire. Et re-eh bien, les représentants de la CFDT au conseil économique, social et environnemental de Lorraine ont rendu en novembre dernier un avis très favorable au stockage souterrain des déchets nucléaires. Au nom de l'emploi!

J'ai mis des semaines à me persuader que j'avais bien lu et entendu les positions des grosses têtes de notre CFDT régionale. Quand je pense que notre Confédération doit encore être propriétaire d'un ou deux mètres carrés du plateau du Larzac... Seule justification à leur position: "On est d'accord à condition qu'on nous promette que la situation sera réversible." Tu parles! Ou ils sont naïfs, ou ils nous prennent pour des cons. Les deux, peut-être. Je me console en me disant que les dirigeants en question, totalement absorbés par la bureaucratie et la technocratie syndicales, ne représentent en l'occurrence qu'eux-mêmes. Ce qui, d'ailleurs, reste très inquiétant!

3 commentaires:

  1. Pour que tout le monde en profite, le commentaire envoyé par mél par un animateur du CEDRA, le comité qui rassemble les opposants au stockage souterrain des déchets nucléaires:

    "Abasourdi, sidéré à la découverte voici quelques semaines de la participation de la CFDT à l’enquête publique de BURE ! Et quelle participation.
    Comment un syndicat peut-il militer pour l’emploi et en arriver à soutenir n’importe quel emploi ?
    Quel coup de tonnerre ici en Haute-Marne. Certains délégués CFDT, de longue date, ont pensé démissionner du syndicat. Comment accepter cette société, avec son vernis de pays des droits de l’Homme, qui use de toutes les ficelles les plus viles pour faire accepter un projet abject et criminel : débauche d’argent où il en manque tant par ailleurs (retraites par ex), embauches de chômeurs où il y aurait à faire par ailleurs…
    Pire, comment la CFDT a-t-elle pu donner un tel feu vert à la prolongation de Bure alors qu’elle avait demandé à entendre quelques mois auparavant –mais bien peu le savent- le représentant même de la CFDT au CLIS de Bure (Comité local d’information et de suivi), fin connaisseur du dossier depuis un bail…. et opposant notoire au-dit projet…. mais il fut « oublié » ensuite, n’ayant jamais entendu parler d’une quelconque participation du syndicat jusqu’au choc par la lecture de journaux locaux.
    MERCI, oui un grand MERCI pour votre texte de dimanche «Avons-nous perdu la raison ?» qui nous rabiboche quelque peu avec le genre humain ; texte signalé à l’instant par une alerte internet.
    Du coup nous allons cogiter à reprendre le sujet emploi contre poubelle nucléaire. "

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  2. Un petit commentaire pour t'inciter à te remettre à l'ouvrage.
    Lorsque c'est la crise, on nous explique que, bon, on ne peut pas sacrifier le nucléaire, parce que le nucléaire, c'est l'emploi.
    Lorsque c'est pas tout à fait la crise, on nous explique que bon, on doit en profiter pour développer le nucléaire parce que bon, c'est l'avenir.
    Nous vivons sur un tas de croyances que tout le monde drape de certitudes :
    a) nos descendants seront plus intelligents que nous.
    b) la science aura toujours réponse à tout.
    c) les techniciens et les haut fonctionnaires savent décider des choses pour notre bien, parce que nous sommes bêtes.
    d) Arrêter le nucléaire, c'est revenir en arrière et revenir en arrière, c'est impossible.

    A y regarder, c'est risible. Et surtout, c'est le même type d'arguments que nous servent les technocrates depuis quarante ans. Le problème est là : les décideurs d'aujourd'hui se sont forgés leurs croyances il y a trente ou quarante ans et sont incapables de les abandonner. Après, ils justifient tout n'importe comment, pour tenir leur posture.

    C'est tout.
    O.

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  3. Vive Jacques Ellul...
    Lisez-le et faites lire Jacques Ellul qui a combattu le technicisme toute sa vie.

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