dimanche 28 août 2011

Journaleux et citoyen

Si j'en crois un responsable local de la CGT, il se pourrait bien que la rentrée scolaire soit suivie de près par une ou plusieurs grandes manifs. Interprofessionnelles et intersyndicales, si possible. Parce qu'à la frustration provoquée par la réforme des retraites, l'an dernier, s'ajoute désormais le renforcement des inégalités induit par le plan de rigueur. On verra, si les chefs des syndicats parviennent à s'entendre. Et donc, on redescendra peut-être dans la rue comme à l'automne 2010.

A ce propos, je me rappelle une conversation avec un excellent confrère, qui cotise au même syndicat que moi et qui, peu ou prou, glisse le même genre de bulletin de vote dans l'urne. «Moi, me dit-il un jour, je ne vais pas manifester par respect pour ma carte de presse.» Traduction: «Je suis journaliste, donc je suis au-dessus de la mêlée; on ne doit pas savoir ce que je pense.»

Quelque estime que je porte à ce gars-là, je ne peux m'empêcher de le soupçonner d'être ou très orgueilleux, ou très faux cul. Car enfin, le privilège d'écrire dans le journal ne fait pas de vous un être exceptionnel, désincarné. Un journaliste est un homme seul au moment où il écrit, alors que les magistrats se mettent à trois, et les jurés à onze, pour arbitrer les affaires de ce monde. Homme seul, il doit s'avouer faible, faillible, influençable, et modestement s'astreindre à peser honnêtement les mots qu'il va écrire, sans se prétendre capable de sortir de la mêlée humaine.

Et donc, mon confrère se la joue un peu quand il prétend donner au peuple une image de totale impartialité. L'objectivité, je le dis et le répète, est une sucette qui n'amuse même pas en première année d'école de journalisme! A moins que, seconde hypothèse, il ne soit tout simplement faux cul. Du genre à ne pas oser se montrer en compagnie de gens de gauche avant d'interviewer des gens de droite, et vice versa. Mais je n'évoque cette hypothèse que pour la forme, bien entendu.

Conclusion de tout ça: je n'ai aucun complexe à dire qui je suis, et à le manifester à l'occasion. Tous les responsables syndicaux que je fréquente professionnellement savent pertinemment que je suis un adhérent à la Cfdt. Ils savent aussi, dès qu'ils m'ont rencontré plus de deux fois, que je suis parfaitement capable de répercuter leurs messages, de les analyser, de les critiquer et de les confronter, bref, de faire mon métier sans trop d'états d'âme. Et que, ce faisant, il arrive que je me trompe plus souvent qu'à mon tour, mais à mon corps défendant et sans volonté de nuire!

Nous sommes une poignée de journalistes, au sein de la rédaction du journal que je m'honore de servir, à ne pas voir la contradiction entre le statut de détenteur d'une carte de presse et celui de manifestant occasionnel. J'espère bien retrouver ces honnêtes gens à l'occasion des prochaines manifs, et s'ils parviennent à se faire accompagner de quelques petits nouveaux, qu'ils ne s'en privent pas!

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