Je suis... ailleurs
« Je suis Paris », « Je suis Bruxelles »… Mais on n’a
pas beaucoup vu fleurir « Je suis Istanbul ». Encore moins « Je suis
Djakana », ce village du nord du Cameroun où Boko Haram vient d’ajouter
onze morts aux 20 000 victimes dont il serait responsable depuis 2009. «
Je » n’est pas non plus Kaboul, qui pleure vingt-sept jeunes policiers
assassinés.
Le sang versé dans les contrées lointaines serait-il
moins coté que les vies fauchées dans les capitales d’Europe ? La maire
de Paris a secoué notre mortelle indifférence en faisant illuminer la
tour Eiffel aux couleurs de la Turquie, rappelant que le fanatisme «
doit nous trouver unis et sûrs de nos valeurs, face à ceux qui n’en ont
aucune ». L’initiative n’a soulevé un enthousiasme délirant ni dans le
monde politique ni dans la blogosphère paralysée par la réputation du
gouvernement d’Ankara – comme si le césarisme d’Erdogan pouvait
légitimer la violence contre ceux qui n’en peuvent mais.
Et le
Cameroun… Quoi, le Cameroun ? D’accord, on se désole pour cet Etat dont
les frontières septentrionales sont dévastées par les attaques
d’illuminés obsédés par les femmes, l’alcool et les mécréants. Mais il
est si loin, ce pays où pourtant l’on parle français et où le groupe
Bolloré fait travailler 7 000 personnes ! Quant à l’Afghanistan, n’en
parlons même pas, nous avons bien trop de mauvais souvenirs du bourbier
dans lequel se sont enferrées les armées occidentales.
Passons
vite. L’exode vers (peut-être) le soleil commence ce week-end. Les
terroristes sont priés de continuer à massacrer ailleurs, pour nous
laisser terminer dans la joie l’Euro et le vote de la loi Travail, et
lancer de même le Tour sur les routes de France. Mortelle
indifférence... Sommes-nous si fatigués qu’il ne nous est plus possible
de partager la douleur ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire