samedi 19 juin 2010

Bigeard et Masseret, des «maux nécessaires»


Marcel Bigeard, ce «grand Lorrain» qui est mort hier à Toul, ne regrettait pas que les soldats de la France eussent eu recours à la torture durant la guerre d'Algérie. C'était, écrivit-il, «un mal nécessaire».

Tout homme de gauche ne peut qu'être révulsé au simple énoncé d'une telle horreur, sans qu'il soit besoin de la moindre controverse. Après tout, c'est en vertu de cette évidente conviction que la gauche, en 1981, imposa à une opinion contraire l'abolition de la peine de mort.

Du coup, je ne peux taire ma surprise lorsque je lus, hier soir, le message envoyé aux rédactions par le sénateur Jean-Pierre Masseret, président du conseil régional de Lorraine, proclamé durant la dernière campagne électorale «premier des socialistes lorrains» (sic). Allez, je vous le livre dans son intégralité:
« C’est avec émotion et tristesse que je viens d’apprendre la disparition du Général Marcel Bigeard.
Ce grand soldat lorrain, originaire de Toul, aura connu une carrière militaire exceptionnelle, parvenant à s’élever au plus haut niveau de l’armée française par son courage et sa ténacité.
Entamant une carrière politique, après avoir quitté l’Armée, il deviendra Secrétaire d’Etat à la Défense puis député de Meurthe et Moselle entre 1978 et 1988.
Son décès prend en France, et tout particulièrement en Lorraine, une dimension singulière aujourd’hui en ce 18 juin 2010, à l’heure où nous célébrons le 70ème Appel à la Résistance que lançait le Général de Gaulle au micro de la BBC depuis Londres.
La Lorraine perd aujourd’hui un grand homme. 
En mon nom personnel et au nom de l’ensemble du Conseil Régional, je tiens à exprimer à Gaby, à sa famille, à ses proches ainsi qu’à ses camarades, mes plus sincères condoléances. »
Vous avez bien lu: pas une allusion à l'affaire de la «question», pas l'ombre d'une désapprobation ou d'un regret. Se trouvera-t-il quelque convent inspiré pour expliquer au grand humaniste qui préside notre région qu'il vient de perdre une occasion de ne pas se taire?
***
A propos de Bigeard, faut que je vous dise un truc: le général était corruptible; et personnellement, je fus un pistonné. Il y a un peu plus de trente ans de cela, l'armée française, contre toute évidence, me jugea apte à servir dans ses rangs durant toute une année. Dans la famille, l'un de mes frères fut objecteur de conscience et les quatre autres jouèrent si bien la comédie devant le médecin militaire qu'on les exempta. Bref, mon enrôlement au titre du service national faisait un peu tache; et mon adorable grand-mère, voisine et sincère admiratrice de Bigeard, s'en fut clandestinement plaider ma cause devant le Marcel. Ma grand-mère aussi avait du talent, ce qui me permit d'assurer mon année dans d'assez sympathiques conditions (malgré le souvenir douloureux de quelques manœuvres hivernales), dans l'obscurité reposante  d'un labo photo à trente kilomètres de chez mes parents. Je ne vous raconte ma vie que pour montrer, avec une ingratitude incroyable, que ce super-héros savait aussi faire de la politique, avec un petit p.

Autre chose: je n'ai guère entendu, dans les journaux télé et radio d'hier, le rappel de ce soutien de Bigeard à la torture. Je n'en suis que plus fier de lire dans la presse écrite d'aujourd'hui, y compris dans le journal qui me fait l'honneur de m'employer, des papiers qui ne sacrifient pas tout au politiquement correct. Ben oui, de temps en temps, on peut en être fier!

1 commentaire:

  1. Je ne connais pas ce cas particulier mais généralement, quand une personnalité meurt, elle n'a que des qualités, que des amis et "son départ nous laissera orphelins".
    C'est ce qu'on appelle un langage convenu.
    Bonne journée.

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