Les voix de l’électeur sont insondables ; l’Histoire en témoigne incontestablement. L’élection en 1848 de Badinguet qui, de Président, devint l’empereur Napoléon le Petit, dissuada pendant 114 ans la République de recourir au suffrage universel pour désigner son chef. Plus près de nous, Charles de Gaulle, tellement certain d’être élu qu’il négligea de faire campagne, fut scandalisé d’être mis en ballottage en 1965. En 1997, les électeurs privèrent Jacques Chirac de majorité après une dissolution baroque. Le référendum de 2005 sur la Constitution européenne donna encore une belle occasion aux Français d’humilier les élites. En Alsace, quelques-uns ne se sont jamais remis du vote des Haut-Rhinois contre le projet de fusion des départements, en 2013. Quant aux primaires de 2016 et 2017, dont les votants infligèrent une cruelle leçon aux sondeurs et aux éditorialistes…
Même les grands électeurs se livrent parfois à des caprices inattendus. A Nancy, quelques anciens racontent encore comment, en 1979, le communiste Bogdan Politanski fut élu président du conseil général de la Meurthe-et-Moselle grâce à deux bulletins blancs émanant de la majorité de droite, l’ancien ministre René Haby, qui avait ourdi la manœuvre, s’étant emmêlé les pieds dans les règles de calcul. On n’oubliera pas non plus la prise de pouvoir de Gérard Longuet au conseil régional de Lorraine en 1992, au détriment de Jean-Marie Rausch… Et, vous savez quoi ?, il n’est pas vraiment sûr que tout soit bien clair dans l’élection de la déléguée de classe de la 4e 2.
Quoi qu’il en soit, l’article III de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 nous le rappelle avec insistance : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. » Aussi insondable soit-elle !
(Le Républicain Lorrain, 6 mai 2017)